Définition, débat et actualité de ce nouvel outil contentieux
(article de Benjamin Brame, Master 2 droit des contentieux publics)
Tout justiciable peut, depuis le 1er mars 2010, soutenir, à l’occasion d’une instance devant une juridiction administrative comme judiciaire, “qu’ une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit”, en application de l’article 61-1 de la Constitution.
Soyons un peu technique :
Les conditions dans lesquelles une telle « question prioritaire de constitutionnalité » peut ainsi être posée au juge ont été organisées par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution qui a modifié l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et par le décret n° 148 du 16 février 2010. Les dispositions du décret concernant les tribunaux administratifs, les cours administratives d’appel et le Conseil d’Etat sont codifiées aux articles R. 771-3 et suivants du code de justice administrative.
Le justiciable peut ainsi demander au juge de poser au Conseil constitutionnel une question prioritaire afin de vérifier si la disposition litigieuse est conforme à la Constitution. Après examen de la demande, le juge transmet, le cas échéant, la question à la cour suprême de son ordre (le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation) qui transmet à son tour la demande au Conseil constitutionnel lorsque les conditions posées par la loi organique sont réunies.
Bémol :
Aux termes de l’article R.771-6 du code de justice administrative, il est prévu que :
« La juridiction n’est pas tenue de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause, par les mêmes motifs, une disposition législative dont le Conseil d’Etat ou le Conseil constitutionnel est déjà saisi ».
La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) constitue sans aucun doute un apport majeur dans notre ordonnancement juridique
L’exception d’inconstitutionnalité est donc désormais à la disposition du justiciable français, alors que les Américains y recourent fréquemment depuis plus de deux siècles.
Le moyen d’inconstitutionnalité ne pouvant être relevé d’office par le juge, l’effectivité de la réforme dépendra de l’usage que sauront en faire les avocats.
Il s’agit donc incontestablement pour eux d’une nouvelle arme, qui pourra être utilisée dans de nombreux domaines.
Mais ce nouvel outil ne sera pas facile à utiliser dans la pratique.
Que peut-on attaquer ? Que peut-on invoquer ? Que doit-on invoquer ?
Tout article ou alinéa tiré d’un texte de nature législative quand bien même cette disposition serait vieille de plusieurs siècles peut faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité, dès lors que les dispositions attaquées portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Les normes invocables, suivant un principe classique de hiérarchie des normes, seront très vastes et pourront l’être dans tous les domaines du droit.
Hiérarchie des normes en droit français
Inspiration : Hans Kelsen et Normativisme
BLOC DE CONSTITUTIONNALITE
BLOC DE CONVENTIONNALITE
BLOC DE LEGALITE
PRINCIPES GENERAUX DU DROIT
REGLEMENT (Décret-Arrêté)
En matière civile, des principes tels que l’égalité devant la loi, la liberté d’opinion, la liberté de la presse, de conscience, de religion, de communication, d’association, d’enseignement, le droit au respect de la vie privée et familiale pourront être souvent invoqués.
En matière pénale, sur le fondement notamment de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les principes du respect des droits de la défense, de la légalité des délits et des peines, de la non rétroactivité des lois pénales plus sévères seront fréquemment mis en avant.
En matière sociale, le droit au travail et à l’emploi, le droit de grève, la liberté syndicale, le principe de non discrimination dans le travail et en matière fiscale, celui d’égalité des contribuables devant les charges publiques seront régulièrement cités.
En matière environnementale, ce sera le principe de précaution, désormais inscrit dans la Constitution.
La question préjudicielle de constitutionnalité est donc susceptible d’être soulevée tant en demande qu’en défense devant toutes les juridictions relevant de l’ordre administratif ou judiciaire, à l’exception de la Cour d’Assises où la QPC doit nécessairement accompagner un appel. La QPC accompagne la déclaration d’appel ; il est aussitôt transmis à la cour de cassation, sans examen de la recevabilité, pour la procédure de filtrage.
Comment se déroule la procédure de filtrage ?
Sans ministère d’Avocat aux Conseils. Les QPC sont transmises avec les écritures des parties, et la Cour ou le Conseil ont trois mois pour se prononcer. Soit ils confirment la nouveauté, la pertinence et le sérieux et saisissent le Conseil constitutionnel, soit ils estiment qu’une de ces conditions manque et font retour de la procédure devant le juge. Notons que ce refus peut contenir la réponse à la question : par exemple “Attendu que dans sa décision du 31 février 2010, le Conseil a déjà estimé que l’article 63-4 du Code de procédure pénale était contraire à la Constitution en ce qu’il ne permet pas une assistance effective par un avocat tout au long de la garde à vue ; Attendu qu’en conséquence, la question soulevée ne présente pas de caractère de nouveauté, par ces motifs, dit n’y avoir lieu à saisine de Conseil constitutionnel, ordonne le retour de la procédure au tribunal de Framboisy”.
Que se passe t’il si on est déjà devant la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat ?
L’étape 1 saute, on passe directement à la 2 : le réexamen approfondi de la recevabilité avant saisine éventuelle du Conseil constitutionnel. La QPC prend la même forme que les écritures habituelles : un mémoire, rédigé par un avocat aux Conseils sauf dans les procédures où on peut avoir la folie de s’en passer (le pénal, essentiellement).
Que dire de ce double contrôle portant sur les mêmes critères ?
Il semble un peu étrange. Mais on peut penser qu’avec l’usage, une répartition du travail se fera : le juge du fond se contentera d’un contrôle de l’irrecevabilité manifeste, notamment en se référant aux décisions déjà rendues par la cour de cassation ou le Conseil d’État, tandis que ces deux cours suprêmes opéreront un filtrage plus méticuleux et rigoureux pour éviter le risque de surmenage au neuf sages et deux moins sages de la rue Montpensier.
Et si la QPC est transmise au CC, quelle est la procédure alors suivie ?
La procédure est réglée par une décision réglementaire du Conseil du 4 février 2010. Les étudiants en droit découvriront à cette occasion que la prohibition des arrêts de règlement connaît des exceptions.
Décision du 4 février 2010 du Conseil Constitutionnel portant règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité (JO 18/02/2010)
La décision du Conseil constitutionnel détaille la procédure qui doit être suivie devant lui pour les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) instituées par l’art. 61-1 de la Constitution. Cette procédure est notamment caractérisée par l’échange électronique des actes et pièces, ainsi que des avertissements et convocations, sans possibilité d’une autre option par les parties, sauf décision du secrétariat général du Conseil constitutionnel pour garantir le caractère contradictoire de la procédure (art. 3). Il semble s’agir du premier cas de procédure contentieuse imposant l’usage de la voie électronique. La position particulière du Conseil constitutionnel, juridiction suprême unique dans sa catégorie, facilite sans doute dans cette double initiative.
Les parties peuvent demander la récusation d’un membre du Conseil (art. 4). Toutefois, il est précisé que le seul fait qu’un membre du Conseil constitutionnel a participé à l’élaboration de la disposition législative faisant l’objet de la question prioritaire de constitutionnalité ne constitue pas en lui-même une cause de récusation.
Les audiences sont publiques (art. 8), une salle étant réservée au public, mais il y est interdit d’enregistrer les paroles ou les images (art. 9). Toutefois, le président peut, après avoir recueilli l’avis des parties présentes, ordonner la diffusion de l’audience sur le site internet du Conseil Constitutionnel.
La délibération n’est pas publique et seuls les membres du Conseil constitutionnel qui ont assisté à l’audience peuvent y participer (art. 11).
Les effets de la conformité ou non à la Constitution
De deux choses l’une. Soit la réponse à la QPC est négative : la loi est conforme : le dossier retourne au juge initialement saisi qui applique la loi avec l’esprit serein du juge qui respecte la Constitution. Soit la réponse est positive ; dans ce cas, la disposition inconstitutionnelle est abrogée au jour de la publication de la décision au Journal Officiel, sauf si le Conseil décide d’aménager les effets de cette abrogation dans le temps (nouvel article 61-1 de la Constitution).
On constate donc ici l’existence d’un certain pragmatisme encore une fois aménagé
Mais une loi violant la norme suprême devrait être nulle ! Et voilà un bien étrange accommodement que de décider comment une loi va peu à peu cesser de violer la Constitution !
Encore une fois on peut dire ici que le pragmatisme l’emporte sur la rigueur juridique. L’idée étant de limiter les remises en cause de situations passées : la sûreté juridique est aussi un droit de l’homme.
Un succès dès son entrée en vigueur le 1er mars 2010
Dès le 1er mars 2010, jour d’entrée en vigueur de la procédure, le tribunal correctionnel de Paris a décidé de transmettre à la Cour de cassation une demande de saisine du Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité des dispositions de l’article 63-4 du code de procédure pénale relatives à la garde à vue.
Le 14 avril 2010, le Conseil d’État a rendu trois arrêts portant saisine du Conseil constitutionnel. Deux portaient sur la méconnaissance du principe d’égalité en matière de pension civile octroyée aux ressortissants algériens et sur la possibilité pour l’union nationale et les unions départementales des associations familiales de « représenter officiellement auprès des pouvoirs publics l’ensemble des familles et notamment désigner ou proposer les délégués des familles aux divers conseils, assemblées ou autres organismes institués par l’État, la région, le département, la commune ». La dernière question porte sur la violation de la séparation des pouvoirs concernant les litiges liés aux enfants à naître.
La question prioritaire de constitutionnalité ne constitue pas un MOP
Dans une instance classique, le juge peut introduire des moyens d’ordre public, constituant ainsi une exception de procédure, conformément à l’obligation que lui fait l’article 12 du code de procédure civile, de statuer conformément aux règles de droit.
Au contraire, les juges successifs de la recevabilité du moyen d’inconstitutionnalité ne pourront la relever d’office. Le juge n’est nullement autorisé à se substituer aux parties à l’instance. Il ne s’agit donc pas d’une exception de procédure.
Le rôle essentiel de l’avocat dans le « contrôle prioritaire de constitutionnalité »
Le rôle de l’avocat est donc essentiel, car c’est lui qui, le premier, doit apprécier en quoi la loi attaquée porte atteinte à des droits et libertés garantis par la Constitution.
Afin d’éviter que des questions ne soient soulevées à des fins dilatoires, la juridiction devant laquelle le moyen d’inconstitutionnalité est soulevé doit vérifier :
– que la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites.
– que la disposition dont la constitutionnalité est contestée n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel.
– que la question n’est pas dépourvue de « caractère sérieux ».
Pour que sa QPC soit recevable, l’avocat va donc devoir procéder à un véritable contrôle prioritaire de constitutionnalité. Cela ne lui sera pas chose facile si le droit constitutionnel n’est pour lui qu’un lointain souvenir. Il lui faudra certainement le réviser !
Sur le plan pratique, les avocats devront donc se tenir informés des décisions du Conseil Constitutionnel, afin de vérifier s’il a déjà eu à se prononcer sur une question similaire. Ils devront suivre les décisions de la Cour de Cassation et du Conseil d’Etat quant à la saisine du Conseil Constitutionnel et l’appréciation de la validité des questions préjudicielles de constitutionnalité.
Cette réforme vient renforcer notre Etat de droit et la protection des droits et libertés des citoyens. Elle constitue un nouveau champ d’activité essentiel pour les avocats, qui seront les principaux acteurs dans cette procédure. Cela implique qu’ils y soient formés et il est à craindre que les enseignements dispensés à la faculté en première année ne soient pas suffisants.
Il serait dommage pour les citoyens que, par la faute des avocats, cette nouvelle procédure ne reste lettre morte. La saisine de la Cour de cassation dès le premier jour d’application de la loi à propos de la garde à vue laisse espérer qu’il n’en sera rien !
Des applications diamétralement opposées faites de la QPC par la Cour de cassation et le Conseil d’Etat deus mois après l’entrée en vigueur de la loi.
Deux mois après l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité le 1er mars 2010, on s’aperçoit à l’évidence que le Conseil d’Etat domine et est très offensif.
En revanche on peut observer que la Cour de cassation est sur une position purement défensive, rechignant à appliquer les règles ou s’en référant à l’arbitre européen.
Une Cour de cassation sur la défensive
– Refus de réouverture de l’instruction : Cass., QPC, 19 mars 2010, Commune de Tulle
Refus de transmettre une QPC
La chambre criminelle de la Cour de cassation, s’est, pour la première fois, prononcée sur la recevabilité d’une question prioritaire de constitutionnalité à l’occasion d’un pourvoi et l’a déclarée irrecevable car elle a été posée hors délai d’instruction.
En l’espèce, une QPC avait été posée le 1er mars 2010 et présenté l’avocat de la commune de Tulle, du département de la Corrèze et de la LDH, à l’occasion du pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 23 janvier 2009 par la cour d’appel de Limoges estimant l’action publique et l’action civile prescrites.
La question visait à contester la constitutionnalité, au regard du droit à un recours effectif et des droits de la défense de la limitation à trois jours la durée du délai non franc de pourvoi en cassation de l’article 59 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse.
Dans un arrêt du 2 mars 2010, la chambre criminelle avait considéré qu’il y avait lieu d’attendre, pour statuer, la décision de la formation spécialisée et avait donc renvoyé l’examen de l’affaire à une audience ultérieure.
Entre temps, dans une autre affaire, le 18 mars, la 2ème chambre civile avait déjà jugé « pas nécessaire d’ordonner la réouverture des débats pour qu’il soit procédé à l’examen de cette question» (Cass. 2e civ., 18 mars 2010, MGEN, n°09-10.241, au bulletin).
Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité dans un second du 19 mars 2010, la formation spéciale pose le principe que « lorsque la question prioritaire de constitutionnalité est soulevée à l’occasion d’un pourvoi, le mémoire qui la présente doit être déposé dans le délai d’instruction de ce pourvoi », mais que, toutefois, « lorsque l’instruction était close au 1er mars 2010, la chambre saisie peut, le cas échéant, (…) ordonner la réouverture de l’instruction pour les seuls besoins de l’examen de la question prioritaire de constitutionnalité, si elle l’estime nécessaire » en application de l’article 7 du décret n° 2010-148 du 16 février 2010.
Or, en l’espèce, le mémoire présentant la question a été produit hors du délai d’instruction du pourvoi – le rapport du conseiller rapporteur ayant été déposé le 31 décembre 2009 – et la Cour n’a pas estimé utile de rouvrir l’instruction. Il appartient donc à la juridiction saisie d’apprécier elle-même l’opportunité d’ordonner la réouverture de l’instruction pour les seuls besoins de l’examen de la question prioritaire de constitutionnalité
Cette décision est d’autant plus décevante que le Conseil constitutionnel avait considéré que « la loi organique sera ainsi applicable aux instances en cours à la date de son entrée en vigueur ; que, toutefois, seules les questions prioritaires de constitutionnalité présentées à compter de cette date dans un écrit ou un mémoire distinct et motivé seront recevables » (n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, cons. n° 37).
A noter que l’article 7 du décret est commun aux deux ordres de juridiction. Selon la doctrine « autorisée » s’il appartient « aux juridictions d’apprécier cette nécessité » de réouverture de l’instruction, elle rappelle toutefois que « la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE 12 juill. 2002, M. et Mme Leniau, n° 236125et CE sect. 27 févr. 2004, Préfet des Pyrénées-Orientales c/ Abounkhila, n° 252988) fait, en principe, obligation au juge administratif, lorsqu’il est saisi d’un mémoire ou d’une note en délibéré postérieurement à la clôture de l’instruction et avant la lecture de la décision, de rouvrir l’instruction notamment dans le cas où ces écritures font état d’une circonstance de droit nouvelle » (J. Arrighi de Casanova, J.-H. Stahl, L. Helmlinger, « Les dispositions relatives aux juridictions administratives du décret du 16 février 2010 sur la question prioritaire de constitutionnalité», AJDA 2010 p. 383). Or, on peut penser que l’entrée en vigueur le 1er mars 2010 de la loi organique sur la QPC constitue une circonstance de droit nouvelle au sens de cette jurisprudence.
– Remise en cause du caractère prioritaire de la question de constitutionnalité : Cass., QPC 16 avr. 2010, n° 10-40002
Question préjudicielle sur la conformité au droit communautaire du caractère prioritaire de la question de constitutionnalité et au traité de Lisbonne de la bande des 20 km Schengen (78-2 al. 4 CPP)
La Cour de cassation demande à la Cour de justice de l’Union européenne de statuer en urgence sur une question préjudicielle sur la conformité au droit de l’Union européenne de la loi organique du 10 décembre 2009, en ce qu’elle impose aux juridictions de se prononcer, par priorité sur la transmission, au Conseil constitutionnel, de la question de constitutionnalité ainsi que la point de savoir si l’article 78-2 alinéa 4 du CPP est conforme à l’article 67 du traité de Lisbonne.
En l’espèce, M. Abdeli, un Algérien en situation irrégulière, a fait l’objet d’un contrôle de police dans la bande Schengen (20 km) de la frontière franco-belge en application de l’article 78-2 alinéa 4 du code de procédure pénale.
Le 23 mars 2010, le préfet du Nord lui a notifié une reconduite à la frontière et l’a placé en rétention administrative. Lors de l’examen de la demande de prolongation de la rétention devant le juge des libertés et de la détention, il a déposé une QPC en développant le moyen selon lequel l’article 78-2 alinéa 4 du CPP porte atteinte à des droits et libertés garantis par la Constitution. Cette disposition a certes déjà été contrôlée par le Conseil constitutionnel (Décision n° 93-323 DC du 05 août 1993), mais le requérant invoquait un changement de circonstances (article 23-2, 2° de l’ordonnance de 1958) lié à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
Le requérant estimait le contrôle aux frontières intérieures organisé par l’article 78-2 al. 4 du CPP contraire à l’article 67 du TFUE qui prévoit, depuis le traité de Lisbonne, que l’Union « assure l’absence de contrôle des personnes aux frontières intérieures » et, par suite, à la Constitution (voir la jurisprudence du Constitutionnel relative à l’article 88-1 de la Constitution sur la transposition des directives qui constitue une exigence constitutionnelle: CC n° 2006-540 DC 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information).
Le 25 mars 2010 le JLD a transmis la QPC à la Cour de cassation. Il a également ordonné la prolongation de la rétention pour 15 jours (JLD Lille, 25 mars 2010 N 10-40.002 et M 10- 40.001) – ce qui prive d’effet utile la QPC. La QPC a été reçue le 29 mars à la Cour de cassation.
Rappelant la décision du Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité de la loi organique (« Considérant, en second lieu, qu’en imposant l’examen par priorité des moyens de constitutionnalité avant les moyens tirés du défaut de conformité d’une disposition législative aux engagements internationaux de la France, le législateur organique a entendu garantir le respect de la Constitution et rappeler sa place au sommet de l’ordre juridique interne ; que cette priorité a pour seul effet d’imposer, en tout état de cause, l’ordre d’examen des moyens soulevés devant la juridiction saisie ; qu’elle ne restreint pas la compétence de cette dernière, après avoir appliqué les dispositions relatives à la question prioritaire de constitutionnalité, de veiller au respect et à la supériorité sur les lois des traités ou accords légalement ratifiés ou approuvés et des normes de l’Union européenne ; qu’ainsi, elle ne méconnaît ni l’article 55 de la Constitution, ni son article 88-1 » (Décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, cons. 14), la Cour de cassation en déduit que les juges du fond ne peuvent pas statuer sur la conventionnalité d’une disposition légale avant de transmettre la question de constitutionnalité.
La Cour relève aussi que l’article 62 de la Constitution dispose que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours dès lors, constate-t-elle, « les juridictions du fond se voient privées, par l’effet de la loi organique du 10 décembre 2009, de la possibilité de poser une question préjudicielle à la CJUE avant de transmettre la question de constitutionnalité » et que « si le Conseil constitutionnel juge la disposition attaquée conforme au droit de l’Union européenne [ ? à la Constitution], elles ne pourront plus, postérieurement à cette décision, saisir la CJUE d’une question préjudicielle ».
Il en serait de même, en vertu de l’article 23-5 de l’ordonnance de 1958, pour la Cour de cassation qui « ne pourrait pas non plus, en pareille hypothèse, procéder à une telle saisine malgré les dispositions impératives de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ni se prononcer sur la conformité du texte au droit de l’Union. ».
Par suite, la Cour de cassation estime que la question de conformité au droit de l’Union européenne de la loi organique du 10 décembre 2009, en ce qu’elle impose aux juridictions de se prononcer, par priorité sur la transmission, au Conseil constitutionnel, de la question de constitutionnalité, doit être posée, à titre préjudiciel, à la CJUE, ainsi que la point de savoir si l’article 78-2 alinéa 4 du CPP est conforme à l’article 67 du traité de Lisbonne.
NB : une telle contrariété pourrait être levée si le Conseil constitutionnel acceptait d’effectuer un contrôle de conformité des lois au droit communautaire originaire et dérivé et, en cas de contrariété (autre que manifeste) il procédait de lui-même à un renvoi préjudiciel aux fins d’interprétation du droit communautaire et ce afin d’assurer le respect des articles 55 et 88-1 de la Constitution. Mais en rendant cette décision avant-dire droit, la Cour de cassation coupe l’herbe sous le pied au Conseil constitutionnel alors même que la décision « DADVSI » ouvrait cette possibilité (mais pas dans le cadre du contrôle a priori dans la mesure où le Conseil constitutionnel doit se prononcer dans un délai d’un mois sur la saisine ce qui ne permet pas de poser une question préjudicielle).
NB 2: certains auteurs, dont Paul Cassia, n’ont cessé d’alerter sur le fait que le caractère prioritaire de la question de constitutitutionnalité d’une loi par rapport à l’examen de la contrariété au droit communautaire était problématique (Paul Cassia, « Question sur le caractère prioritaire de la question de constitutionnalité «, AJDA 2009 p. 2193).
En outre, relève la Cour, le litige met en cause la privation de liberté d’une personne maintenue en rétention et la Cour de cassation ne dispose que d’un délai de trois mois pour décider de la transmission de la QPC – motifs qui justifient que la CJUE soit saisie suivant la procédure d’urgence (NB : au demeurant l’étranger ne peut être maintenu en rétention plus de 32 jours soit si la rétention a été prolongée une nouvelle fois jusqu’au 25 avril…).
Un Conseil d’Etat très offensif
Le Conseil d’Etat a transmis dans ces deux premiers mois 5 QPC et a refusé d’en transmettre 4.
Refus de transmission
Ils sont souvent fondés sur des motifs procéduraux incontestables:
– absence de mémoire distinct et motivé postérieur au 1er mars 2010 (CE, 9 avril 2010, J-H. MATELLY)
Irrecevabilité d’une QPC déposée avant l’entrée en vigueur de la loi organique et n’ayant pas fait l’objet d’un mémoire distinct après le 1er avril 2010.
Dans une nouvelle décision sur l’officier de gendarmerie et chercheur au CNRS, J-H. Mattely, concernant un blâme infligé le 17 décembre 2007 pour manquement à l’obligation de réserve, le Conseil d’Etat confirme cette sanction, et sa conventionnalité, et estime irrecevable une question prioritaire de constitutionnalité faute pour le requérant d’avoir produit, postérieurement au 1er avril 2010, un mémoire motivé et distinct.
En l’espèce, lors d’interventions sur une radio à diffusion nationale en octobre et novembre 2007, et dans un éditorial publié au mois de novembre 2007 dans une revue spécialisée, M. Matelly s’était exprimé en termes critiques au sujet de la politique du gouvernement relative à la gendarmerie nationale et a remis en cause certains éléments du statut général des militaires.
Après mise en demeure de sa hiérarchie de cesser de s’exprimer dans les médias, l’officier est de nouveau intervenu sur des médias (l’édition du journal dans lequel il avait co-rédigé l’éditorial reproché a été imprimée et distribuée dans les derniers jours du mois d’octobre 2007, soit après la mise en demeure dont il avait fait l’objet). Le blâme a été prononcé en se fondant notamment sur ce qu’il n’avait pas tenu compte de cette injonction de respecter son devoir de réserve.
Le Conseil d’Etat confirme cette (faible) sanction en écartant l’ensemble des arguments du requérant.
Sur la procédure suivie, il estime qu’elle a été régulière :
– lorsque le ministre de la Défense exerce son pouvoir disciplinaire à l’égard d’un officier de gendarmerie la décision prise n’entre pas dans le champ d’application de l’article 6 de la CEDH – sûrement en application des critères de l’arrêt Vilho Eskelinen et autres c. Finlande (Cour EDH, G.C. 19 avril 2007, Req. n° 63235/00). Ce moyen est donc inopérant.
– il ne résulte ni de l’article 3 du décret du 15 juillet 2005 relatif aux sanctions disciplinaires et à la suspension de fonctions applicables aux militaires ni d’aucun principe général du droit que le requérant « disposait d’un droit à être informé, préalablement à sa convocation devant l’autorité militaire de premier niveau, de la faculté de préparer sa défense ou de la date de l’audition par l’autorité militaire de premier niveau ». Par ailleurs, celui-ci a bien reçu communication de l’ensemble des pièces de son dossier, a été auditionné par l’autorité militaire de premier niveau et a pu présenter des observations orales et écrites
– la procédure de transmission entre autorités militaires de premier et de second niveau, après appréciation de la gravité des faits, puis au ministre de la Défense, qui inflige la sanction, a été respectée.
Sur la légalité interne, le requérant avait soulevé, avant le 1er mars 2010, une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause l’article 4 de la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires (codifié à l’article L. 4121-2 du code de la défense) restreignant la liberté d’expression des militaires au regard de l’article 11 de la DDHC. Ce moyen est irrecevable faute pour le requérant d’avoir déposé, à compter de l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2009-523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution un mémoire distinct et motivé posant la QPC comme le prévoit l’article 7 du décret du 16 février 2010 (v. Décret n° 2010-148du 16 février 2010, Actualités droits-libertés du 18 février 2010.
Si un mémoire distinct avait été déposé après le 1er avril 2010, il aurait appartenu aux juridictions d’apprécier la nécessité de réouverture de l’instruction, sachant que que « la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE 12 juill. 2002, M. et Mme Leniau, n° 236125 et CE sect. 27 févr. 2004, Préfet des Pyrénées-Orientales c/ Abounkhila, n° 252988) fait, en principe, obligation au juge administratif, lorsqu’il est saisi d’un mémoire ou d’une note en délibéré postérieurement à la clôture de l’instruction et avant la lecture de la décision, de rouvrir l’instruction notamment dans le cas où ces écritures font état d’une circonstance de droit nouvelle » (J. Arrighi de Casanova, J.-H. Stahl, L. Helmlinger, « Les dispositions relatives aux juridictions administratives du décret du 16 février 2010 sur la question prioritaire de constitutionnalité», AJDA 2010 p. 383) (voir “La question prioritaire de constitutionnalité devant les juridictions administratives (1. dépôt et instruction”) CPDH 23 février 2010 et “QPC: une première irrecevabilité devant le juge judiciaire de mauvais augure (Cass., QPC, 19 mars 2010, Commune de Tulle)
Par ailleurs, le Conseil d’Etat écarte la contrariété de l’article L. 4121-2 du code de la défense, en raison de son imprécision, aux articles 19 du PIDCP, 10 de la CEDH ainsi qu’aux stipulations de l’article 7 de la même convention « qui concernent les décisions de nature pénale, ni invoquer le principe de légalité des délits, qui ne s’applique pas aux sanctions disciplinaires que l’autorité administrative a le pouvoir d’édicter à l’égard des agents publics placés sous son autorité ». Le principe de légalité des peines ne peut qu’être écarté « dès lors que le blâme du ministre fait partie des sanctions du premier groupe énumérées à l’article L. 4137-2 du code de la défense ».
Enfin, il ressort, selon le Conseil d’Etat, des faits (expression dans les médias en critiquant la politique gouvernemental sur le rapprochement police-gendarmerie et réitération après la mise en demeure, et crédit donné par le requérant « à l’affirmation du journaliste relative à la fermeture de la moitié des brigades ») que la décision n’est pas entachée d’inexactitude matérielle, que les faits n’ont pas été inexactement qualifiés et la sanction justifiée et proportionnée car ces interventions médiatiques excédaient, selon la haute juridiction, « par leur nature et leur tonalité, les limites que les militaires doivent respecter en raison de la réserve à laquelle ils sont tenus à l’égard des autorités publiques »
Rappelons que pour des faits similaires en 2003 (article critique sur le management dans la gendarmerie et l’usage des statistiques, dans une revue spécialisée repris dans un entretien au journal “Libération“), M. Matelly avait déjà fait l’objet d’un blâme confirmé par le Conseil d’Etat (CE, réf., 5 Février 2003 N° 253871 : référé-liberté; CE, réf., 19 Mars 2003 N° 254524 : référé-suspension; CE 19 Mai 2004, N° 245107: fond; CE 7 juin 2006, n°275601;CE, 10 novembre 2004 N° 256572)ainsi que par la Cour EDH compte tenu notamment de « la gravité modérée » de la sanction disciplinaire (Cour EDH, Dec. 5e Sect. 15 septembre 2009, req. n° 30330/04, Matelly c. France )
Est actuellement pendante devant le Conseil d’Etat une troisième affaire Matelly portant sur sa radiation des cadres de la gendarmerie à la suite d’une tribune publiée dans Rue 89 avec Laurent Mucchielli et Christian Mouhanna du CESDIP (v. le rejet du référé-liberté pour défaut d’urgence (CE, ord., 30 mars 2010, J-H. Matelly, n°337955, CPDH 1er avril 2010). Espérons que, cette fois-ci, la sanction sera suspendue puis annulée par le Conseil d’Etat dans la mesure où M. Mattely s’exprimait comme chercheur.
– La procédure de QPC n’a pas pour objet d’interroger le Conseil constitutionnel, à titre préjudiciel, sur l’interprétation d’une norme constitutionnelle en vue de son application dans un litige. (CE, SSJS, 16 avril 2010, Virassamy, n° 336270)
En l’espèce, le requérant avait déposé devant le Conseil d’Etat au soutien de sa requête tendant à l’annulation de la consultation des électeurs de la Martinique des 10 et 24 janvier 2010, une question visant à interroger le Conseil constitutionnel sur la portée des articles 72 et 73 de la Constitution « qui ne serait pas claire » et cette transmission serait « déterminante » pour en apprécier la régularité. A cette occasion, le Conseil d’Etat relève que le mémoire du requérant « a pour objet non de faire juger qu’une disposition législative porterait atteinte à des droits et libertés garantis par la Constitution mais de faire interpréter par le Conseil constitutionnel les articles 72 et 73 de la Constitution » et que, dès lors la question soulevée « n’est pas au nombre de celles qui peuvent être transmises au Conseil constitutionnel en application de l’article 61-1 de la Constitution »
– La QPC touchant à la double fonction consultative et contentieuse du Conseil d’Etat. CE, 16 avril 2010, ASSOCIATION ALCALY)
Le Conseil d’Etat a estimé que le Conseil constitutionnel aurait déjà tranché le moyen et que la question ne serait ni “nouvelle” ni “sérieuse”
Le Conseil d’Etat estime que la question de la dualité fonctionnelle du Conseil d’Etat a été posée depuis l’arrêt de la Procola c/ Luxembourg (CEDH, 1995) devant la CEDH et a été réglée notamment dans l’arrêt Sacilor-Lormines (arrêt 9 novembre 2006, Req. no 65411/01) du point de vue de sa conventionnalité.
S’agit il ici pour le Conseil d’Etat d’affirmer que lorsqu’une question aura déjà été tranchée par la CEDH il ne s’agira pas d’une question ni nouvelle ni sérieuse ?
Il semble que cela soit trop tôt pour le dire, et la question de la double fonction consultative et contentieuse du Conseil d’Etat est une vieille histoire franco-française, par conséquent, le Conseil d’Etat a estimer s’être déjà suffisamment expliqué sur cette particularité qui en effet ne pose en réalité pas de problème majeur si le soucis d’impartialité de la plus haute juridiction administrative reste couplé avec son indépendance maintenant bien démontrée.
Les 5 QPC transmises à ce jour:
Les trois premières QPC
– La “cristallisation” et “décristallisation partielle” des pensions des anciens fonctionnaires civils et militaires des anciens territoires sous souveraineté française.
L’ensemble des dispositions législatives procédant à la cristallisation ou à la décristallisation partielle à l’égard des Algériens sont transmises (article 26 de la loi du 3 août 1981, article 68 de la loi du 30 décembre 2002 et article 100 de la loi du 21 décembre 2006 voir ici) à l’exception de la première d’entre elles (article 71 de la loi du 26 décembre 1959) qui n’est pas applicable au litige.
Pour les autres dispositions, le Conseil d’Etat relève que “le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution (…) soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu’ainsi, il y a lieu (…) de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée”.
Ces dispositions, dont l’application conduit à ce que certaines des pensions versées aux étrangers concernés sont moins élevées que celles servies aux pensionnés français, sont contestées au regard du principe constitutionnel d’égalité et, s’agissant spécifiquement du IV de l’article 68 de la loi du 30 décembre 2002, du principe de non-rétroactivité et du droit à un recours juridictionnel effectif.
Cette QPC a été introduite pas les avocats aux Conseils Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, qui étaient déjà les avocats de Me Diop dans le “grand arrêt” de 2001.
– Inappplicabilité de la disposition légale au litige (article 71 de la loi du 26 décembre 1959): CE, 14 avril 2010, M et Mme Lazare
(Mme Lazare, 5 / 4 SSR, 329290, 14 avril 2010, A, M. Vigouroux, pdt., M. de Lesquen, rapp., Mme de Salins, rapp. publ.).
Dispositif anti jurisprudence “Perruche”
Question portant sur les dispositions introduites à l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles par le I de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002relative aux droits des malades.
Ces dispositions interdisent de « se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance » et limitent l’engagement de la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé du fait de la naissance d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse aux préjudices des seuls parents et si une « faute caractérisée » peut être identifiée.
Cette réforme visait à faire obstacle à la reconnaissance par le juge de la possibilité d’indemniser non seulement les parents mais aussi l’enfant né handicapé à la suite d’une erreur fautive dans le diagnostic prénatal ayant empêché sa mère d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse (affaire “Perruche”).
En l’espèce, Mme Viviane L., agissant en son nom propre et pour le compte de ses enfants mineurs Christelle et Loïc, héritiers de M. Alain L., décédé, s’est pourvue en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 6 octobre 2008 qui, faisant application des dispositions des premier et troisième alinéas de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles. La CAA avait rejeté sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 24 juillet 2007 ayant rejeté leur demande tendant, à raison de l’erreur de diagnostic commise par l’équipe médicale du service de laboratoire de biochimie génétique de l’hôpital Cochin en 1992 sur le risque encouru par Mme L. de transmettre la maladie de la myopathie de Duchenne à un enfant de sexe masculin, à la condamnation de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris à réparer les préjudices ayant résulté de la naissance, le 8 décembre 1995, d’un garçon atteint de cette maladie.
C’est à l’occasion de cette instance que Mme L. a demandé que le Conseil constitutionnel soit saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité.
Là aussi, le CE constate que ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel et que le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, “et notamment au principe de responsabilité qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen“, soulève “une question présentant un caractère sérieux“.
Il en est de même pour les dispositions rendues applicables rétroactivement aux instances en cours au 5 mars 2002, date d’entrée en vigueur de la loi, et qui couvrent ainsi des préjudices résultant de fautes commises antérieurement à cette date. La constitutionnalité de cette rétroactivité est également contestée au regard du principe de séparation des pouvoirs et du droit à un recours juridictionnel effectif, qui découle de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
– Prérogatives de l’UNAF et des UDAF et le principe d’égalité
En outre est transmise la QPC portant sur les dispositions du 2° de l’article L.211-3 du code de l’action sociale et des familles qui font de l’Union nationale des associations familiales et des unions départementales qui lui sont affiliées (respectivement, UNAF et UDAF) les “interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics en matière de politique familiale” (communiqué du CE).
La disposition du CASF a codifié une ordonnance du 3 mars 1945 qui disposait que “l‘Union nationale des associations familiales (UNAF) représente officiellement auprès des pouvoirs publics l’ensemble des familles”.
L’UFE, association de promotion de la famille et des “valeurs familiales”, issue d’une scission de Familles de France et très marquée à droite, qui refuse son affiliation à l’UNAF, conteste le monopole de représentation accordée à celle-ci et aux associations qui lui sont affiliées.
“Lorsqu’il veut prendre l’avis des familles, il suffit au gouvernement de consulter l’UNAF, qui bénéficie d’une subvention annuelle et automatique de 26 millions d’euros, déplore l’UFE. C’est un peu comme si l’ensemble des syndicats étaient tenus de passer par un organisme unique et que cet organisme tirait 87 % de ses ressources de l’Etat.” Seuls l’UNAF et ses membres agréés sont en conséquence représentés dans le Haut Conseil de la famille (souce Le Monde ).
Le Conseil d’État se contente de relever que ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, que le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution,“et notamment au principe d’égalité, soulève une question présentant un caractère sérieux”.
Les Deux nouvelles QPC :
– QPC 2010-4: limitation de l’indemnité temporaire de retraite (ITR) accordée aux fonctionnaires retraités outre-mer (système dit de “surpension” des fonctionctionnaires d’outre-mer)CE, 23 avril 2010, Cachard (n°327174)
Concerne l’article 137 IV de la loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008 au regard de différents droits et libertés constitutionnels (non-rétroactivité de la loi, séparation des pouvoirs, clarté, intelligibilité et accessibilité de la loi, liberté individuelle et respect de la vie privée et familiale, égalité, présomption d’innocence et respect des droits de la défense) ainsi que la méconnaissance de l’article 55 de la Constitution et de la procédure législative.
Le Conseil d’Etat décide de ne retenir qu’un moyen de recevabilité : « Considérant, en second lieu, que le IV de l’article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 est applicable au présent litige ; que ces dispositions n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution soulève une question nouvelle ; qu’ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée . »
– QPC 2010-5 : compléments de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) CE, SSR, 23 avril 2010, SNC Kimberly Clark (n° 327166)
l’article 273 du Code général des impôts mais seulement « en tant qu’il habilite le pouvoir réglementaire à fixer des délais tels que ceux mentionnés à l’article 224 de l’annexe II du CGI » En l’espèce, une société, assujettie à des compléments de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en raison de la remise en cause par l’administration de certaines des déductions opérées, a déposé, dans le cadre d’une affaire en cassation devant le Conseil d’Etat, une QPC visant à contester la constitutionnalité de cette disposition. Le Conseil d’Etat constate que ces dispositions, issues de l’article 18 de la loi du 6 janvier 1966, « sont applicables au présent litige » en tant qu’elles ont servi de base légale à l’article 224 de l’annexe II au CGI. Elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel et les moyens tirés de ce que l’habilitation donnée par le législateur au pouvoir réglementaire pour fixer des délais tels que ceux mentionnés à l’article 224-1 de l’annexe II au CGI « méconnaît la compétence confiée au seul législateur par l’article 34 de la Constitution et viole en conséquence, d’une part le droit garanti par l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et d’autre part les garanties fondamentales attachées à l’exercice du droit de propriété énoncées par l’article 17 de la même déclaration » soulèvent une question présentant un caractère sérieux .
Cette question semble avoir une grande importance car tout d’abord elle constitue la première QPC soulevée devant le Conseil d’État lui-même.
Ensuite, cette question est d’abord la première qui, en matière fiscale, a été transmise au Conseil.
Enfin, loin de se rapporter à une question de détail, elle a trait, surtout, à un aspect majeur du droit fiscal de l’entreprise : celui de la conformité à la Constitution de l’ensemble de l’édifice normatif relatif aux conditions d’exercice du droit à déduction en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
(article de Benjamin Brame, Master 2 droit des contentieux publics)