Bernard et Marie-Ange Laroche le 22 mars 1985 à Epinal

(AFP) –

LYON — Le président de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Dijon a renoncé à exhumer le corps de Bernard Laroche -un temps soupçonné de l’assassinat de Grégory Villemin-, la justice disposant d’autres moyens d’identifier son ADN, a-t-on appris jeudi auprès du parquet.

“Le président Jean-François Pontonnier a considéré que ce n’était pas utile, compte tenu des éléments de comparaison (avec l’ADN retrouvés sur les scellés de l’affaire Grégory, ndlr) dont il dispose par ailleurs”, a expliqué à l’AFP Jean-Marie Beney, procureur général près la cour d’appel de Dijon.

Parmi ces “éléments” figurent les vêtements que portait Bernard Laroche lors de sa mort, en 1985. Les vêtements ont été confiés au laboratoire lyonnais Biomnis, chargés d’établir l’empreinte génétique de ce cousin de Jean-Marie Villemin, le père de Grégory.

M. Beney a rappelé qu’une exhumation de Bernard Laroche n’avait “jamais vraiment été à l’ordre du jour” et n’avait pas été requise par le parquet. Elle avait seulement été évoquée en novembre par sa veuve, Marie-Ange Laroche, qui avait indiqué qu’elle ne s’y opposerait pas.

L?enquête sur l?assassinat de Grégory Villemin a été relancée le 22 octobre dernier, après l?annonce de la découverte de traces d?ADN sur les cordelettes qui ont noué les poignets et chevilles de l?enfant, retrouvé noyé dans la Vologne à Docelles (Vosges) le 16 octobre 1984.

Inculpé d?assassinat et placé en détention provisoire à la fin de l?année 84, Bernard Laroche avait été remis en liberté en février 1985, tout en restant inculpé du crime. Il avait été abattu par Jean-Marie Villemin le 29 mars 1985, devant son domicile.

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Le tueur en série présumé Patrice Alègre patiente, le 21 février 2002 au tribunal de Toulouse.

(AFP) –

TOULOUSE — Les juges d’instruction chargés du meurtre d’une prostituée, Line Galbardi, dans un hôtel de Toulouse en 1992 ont rendu un non-lieu dans l’affaire pour laquelle le tueur en série Patrice Alègre était mis en examen depuis janvier 2000, a-t-on appris jeudi de source judiciaire.

C’est le dernier des cinq meurtres et d’un viol non élucidés pour lesquels Alègre avait été mis en examen, en dehors des crimes pour lesquels il a déjà été condamné en 2002, a précisé à l’AFP le procureur de la République de Toulouse Michel Valet.

“L’ordonnance des juges Serge Lemoine et Fabrice Rives a été rendue le 14 janvier, elle suit les réquisitions du parquet faites à l’automne dernier”, a expliqué M. Valet.

“Cela signifie, a-t-il ajouté, que les juges estiment qu’il n’y a pas de charge suffisante contre quiconque pour l’accuser d’avoir commis les faits”. Le procureur a toutefois indiqué que le dossier pourrait être réouvert “en cas d’éléments nouveaux justifiant des investigations sur des bases nouvelles”.

Line Galbardi, prostituée franco-canadienne de 28 ans, avait été retrouvée morte victime de suffocation et de coups violents à la tête dans sa chambre d’hôtel en janvier 92.

Patrice Alègre avait été mis en cause dans ce dossier à l’occasion d’une enquête d’une cellule de la gendarmerie “Homicide 31” sur le parcours criminel de celui qui allait par ailleurs être condamné par la cour d’assises de Haute-Garonne en février 2002 à la perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 22 ans, pour cinq meurtres précédés de viol et pour un sixième viol commis entre 1989 et 1997.

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LA JUSTICE EN PRATIQUES
LE MONDE DES LIVRES | 21.01.10 | 12h11  •  Mis à jour le 21.01.10 | 12h11

ne société plus juste est-elle possible ? Cette question est au coeur des débats publics depuis les révolutions américaine et française. Elle représente aussi un des grands problèmes de la philosophie politique. L’un des intellectuels les plus influents au monde, Amartya Sen, livre aujourd’hui sa théorie de la justice.

L’économiste indien distingue d’abord deux familles de pensée. De Hobbes à Kant en passant par Locke et Rousseau, la première “s’est concentrée sur la recherche de dispositifs sociaux parfaitement justes”. Elle culminerait avec le philosophe américain John Rawls (1921-2002), à qui le livre est dédié. Mais il existerait une autre tradition, allant d’Adam Smith à Marx en passant par Condorcet et John Stuart Mill, pour laquelle la question de la justice ne peut être résolue que par “comparaisons entre les divers modes de vie que les gens pourraient avoir” sous l’effet de différentes institutions.

Or pour Sen, les hypothèses de Rawls, qui redéfinissent la justice comme “équité”, sont critiquables en ce qu’elles recourent à “une simplification arbitraire et radicale d’une tâche immense et multiforme : mettre en harmonie le fonctionnement des principes de justice et le comportement réel des gens”. La tradition à laquelle Sen se rattache vise moins à chercher des principes de justice pure qu’à limiter en pratique les “injustices intolérables” : le combat contre l’esclavage mené par la révolutionnaire anglaise Mary Wollstonecraft et d’autres, au XVIIIe siècle, explique-t-il, ne s’est pas fait “dans l’illusion qu’abolir l’esclavage rendrait le monde parfaitement juste”. Plus largement, Sen invalide dans la philosophie politique toutes les démarches en surplomb qui visent à trouver des procédures idéales pour obtenir une diminution des inégalités.

Sa méthode découle du constat suivant : il existe toujours une pluralité des systèmes de valeurs et de critères pour penser la justice. A ce sujet, il donne un exemple. Soit une flûte qu’il faut attribuer à un seul parmi trois enfants. Le premier déclare la mériter parce qu’il est le seul à savoir en jouer ; le second clame qu’il est le seul à ne pas avoir de jouet ; le troisième affirme qu’il a fabriqué l’objet de ses propres mains. Dans ce cas, l’attribution est impossible à effectuer sans contredire au moins un principe de justice. Pour Sen, une résolution non violente de ce type de conflit ne peut pas venir d’une institution mais seulement d’une délibération publique.

Mais elle implique aussi qu’on ait auparavant exclu les critères non pertinents pour mesurer la justice. C’est sur ce terrain en particulier que la philosophie de Sen s’appuie sur sa théorie économique hétérodoxe. Ainsi, Rawls est à nouveau critiqué, mais cette fois pour avoir défini la justice comme distribution équitable des biens. Selon Sen, en effet, les manières d’utiliser ces biens et d’en bénéficier pour accroître sa capacité d’agir sont différentes selon les dispositions des individus et leurs milieux sociaux.

Avoir une voiture, par exemple, ne constitue pas pour tous ce que Sen appelle une “capabilité”, c’est-à-dire une possibilité d’améliorer effectivement son sort dans une direction souhaitée. Cette voiture ne sera convertie en liberté concrète que pour une personne ayant un permis de conduire et recherchant la mobilité, dans une société où la circulation est libre et où les embouteillages ou la pollution ne la rendent pas plus coûteuse que désirable. “L’avantage d’une personne, écrit Sen, est jugé inférieur à celui d’une autre si elle a moins de capabilité – de possibilités réelles – de réaliser ce à quoi elle a des raisons d’attribuer de la valeur.” Les questions de justice ne peuvent donc se réduire à des problèmes de répartition des richesses, ni non plus être ramenées aux différences de bien-être perçu.

“Pluralisme raisonné”

Sen place ainsi l’égalisation des libertés concrètes entre individus au centre de toute quête de justice. Il s’oppose cependant aux philosophes libéraux, qui considèrent que toute diminution des inégalités entravant les libertés serait mauvaise. Pour lui, cette priorité donnée à la liberté ne saurait constituer un absolu, car l’égalité comme la liberté sont appréciées et désirées différemment par les individus. Selon ce “pluralisme raisonné”, le progrès de la justice est inséparable de l’approfondissement de la démocratie, entendue comme délibération la plus large possible.

Cosmopolite, l’auteur s’inspire ici des cultures philosophiques occidentales et orientales, et notamment indiennes. Il propose de comparer les libertés entre individus comme entre les sociétés, et ce contre le point de vue actuellement dominant de ceux qui considèrent que la définition de la justice est relative à chaque culture ou qu’elle ne peut s’exercer pleinement que dans le cadre d’une communauté religieuse ou nationale fermée.

L’ouvrage en appelle au renforcement des possibilités démocratiques réelles, et d’abord des espaces de délibération publique. Il se conclut ainsi par une riche méditation sur l’isolement dont souffrent les individus, et qui apparaît en définitive comme l’élément le plus nuisible à la justice. Pour Sen, il s’agit d’imaginer une diminution des inégalités et un progrès de la justice sociale à l’échelle globale, sans attendre un hypothétique et bien improbable Etat mondial.

Par-delà une traduction souvent très lourde et les nombreuses répétitions d’un ouvrage mal composé, certains lecteurs poseront sans doute cette question : au terme de son parcours, l’auteur ne troque-t-il pas l’idéalisme des théoriciens de la justice pour celui des théoriciens de la démocratie, en prêtant trop peu d’attention aux conditions d’accès des individus à la discussion publique ? Pourtant, la puissance de ce livre est précisément que ces objections peuvent contribuer à affermir son argument sans le défaire. Il offre une voie plus réaliste que beaucoup d’autres pensées politiques pour faire, comme y invitait Pascal dans une formule célèbre, “que ce qui est juste soit fort” plutôt que “ce qui est fort soit juste “.


L’IDÉE DE JUSTICE (THE IDEA OF JUSTICE) d’Amartya Sen. Traduit de l’anglais par Paul Chemla avec la collaboration d’Eloi Laurent. Flammarion, 558 p., 25 €.Signalons également l’essai de Danielle Zwarthoed, Comprendre la pauvreté. John Rawls, Amartya Sen. PUF, “Philosophie”, 154 p., 12 €.

Laurent Jeanpierre

De l’économie à la politique
Né en Inde en 1933, Amartya Sen a enseigné dans de nombreuses universités en Inde, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Il est actuellement professeur à Harvard. Il a reçu le prix Nobel d’économie en 1998 pour ses travaux sur les causes de la famine, l’économie du bien-être et du développement et les mécanismes de la pauvreté. Egalement spécialiste des inégalités entre hommes et femmes, des inégalités face à la santé ou des inégalités de droits, il a contribué à l’invention de l’Indice de développement humain (IDH) du Programme des Nations unies pour le développement. Ses recherches se tournent depuis plusieurs années vers la philosophie sociale et politique. Comme l’ont montré notamment ses travaux sur le rôle de l’organisation de la distribution des produits agricoles dans la famine du Bengale, dont il fut le témoin en 1943, il relie de longue date les problèmes de justice économique et sociale aux questions d’ordre politique.

Article paru dans l’édition du 22.01.10
14/01/2010 à 00h00

Les injustices réparables selon Amartya Sen

Critique

Le Prix Nobel d’économie rend hommage au philosophe Rawls et le conteste

Par ROBERT MAGGIORI

«A la mémoire de John Rawls». Jamais exergue n’aura sonné aussi juste. En lui dédiant l’Idée de justice, Amartya Sen a voulu avant tout exprimer son amitié et son admiration pour le philosophe américain disparu en novembre 2002, dont il n’a pas cessé d’affirmer que la pensée était l’une des plus influentes du XXe siècle. Mais il y a plus. L’idée de justice se place elle-même, délibérément, en face du plus important ouvrage de Rawls, Théorie de la justice, et, pour une large part, en est la contestation radicale. Ce qui montre qu’en rendant hommage à celui qu’il critique, Sen, à qui le prix Nobel fut attribué pour avoir introduit la dimension éthique dans la recherche économique, met en pratique le comparatisme et le «pluralisme raisonné» dont il est le héraut, et donne une image de la discussion publique qui n’a rien à voir avec les batailles haineuses dans lesquelles vaincre compte davantage que convaincre et triompher de l’«ennemi» bien plus que faire triompher la position la plus proche de la vérité.

Théorie de la justice a été publié en 1971 (Seuil, 1987). Aucun ouvrage, si l’on en juge par le nombre de publications auxquelles il a donné lieu dans le monde, n’a eu sur la philosophie politique, l’éthique, le droit ou les sciences sociales, un impact égal au sien – à tel point que même les contradicteurs ont affirmé que tous ceux qui travaillent dans ces domaines devaient soit le faire «avec» Rawls, soit expliquer pourquoi ils ne le faisaient pas. L’idée de justice, synthèse de tous les travaux que Sen, économiste-philosophe, a présentés jusqu’ici, aura probablement dans les décennies à venir un retentissement similaire à celui que le texte rawlsien a eu depuis les années 70. Mis en vis-à-vis, les deux livres font comme un effet stéréophonique. Mais qu’on considère bien les titres : Théorie de la justice pour Rawls, l’Idée de justice pour Sen. Le premier évoque la recherche d’un ensemble de principes susceptibles de définir la justice sociale, alors que le second, plus réaliste, semble juste vouloir éclairer l’«idée» de justice, en déterminant les «types de raisonnements» qui doivent «intervenir dans l’évaluation de concepts éthiques et politiques tels que ceux de justice et d’injustice». En réalité, il y a aussi une «théorie» de la justice chez Sen, mais «au sens large» : le penseur indien cherche à savoir comment procéder, pratiquement, pour éliminer les «injustices réparables».

Si Sen met tant de soin à critiquer Rawls, c’est que leurs théories s’inscrivent dans des courants vraiment opposés. L’approche dominante dans la philosophie morale et politique contemporaine, qui est celle de Rawls, identifie des dispositifs institutionnels parfaitement justes, qui seraient justes pour toute société. Sen s’en démarque. Au lieu de spécifier ce qu’est «le juste» en soi, il cherche des critères permettant de «dire si une option est “moins injuste” qu’une autre», établit des comparaisons entre sociétés, et tente de «déterminer si tel changement social particulier» va dans le sens de la justice ou accroît l’injustice, en avançant des arguments dont il espère qu’ils peuvent «avoir quelque pertinence dans les discussions et décisions concernant des politiques et des programmes concrets», comme cela est déjà le cas pour «certains débats contemporains de la Cour suprême des Etats-Unis», concernant notamment l’opportunité d’infliger la peine de mort, même à majorité accomplie, pour des crimes commis par mineur. Ces deux façons d’envisager une théorie de la justice relèvent, l’une de l’«institutionnalisme transcendantal», l’autre de la «comparaison des situations réelles». Sen se rattache à cette dernière tradition, illustrée par Adam Smith, Condorcet, Jeremy Bentham, Mary Wollstonecraft, Marx ou John Stuart Mill, dont le souci «était d’éliminer certaines injustices du monde qu’ils avaient sous les yeux». Rawls, lui, suit la lignée de Hobbes, de Locke, de Rousseau, de Kant, qui se caractérise par la détermination «contractuelle» de principes destinés à servir dans une «société bien ordonnée» où chaque citoyen, être de raison, est supposé «agir avec justice». L’un des principes qu’il énonce se résume ainsi : on peut accepter que l’inégalité soit introduite si et seulement si le plus petit avantage accordé aux plus favorisés donne le plus grand avantage possible aux plus défavorisés.

Utilitarisme. Le propos de Rawls est sérieux. Mais il pose problème : il est possible «qu’on ne parvienne à aucun accord raisonné sur la nature de la “société juste”», et il peut se faire que des principes contradictoires soient également valables. Sen prend un exemple limpide. Il s’agit de décider qui des trois enfants, Anne, Bob et Carla doit recevoir la flûte qu’ils se disputent. Anne la revendique parce qu’elle est la seule à savoir en jouer, Bob parce qu’il est pauvre et n’a pas d’autre jouet, Carla parce qu’elle l’a fabriquée. L’égalitarisme économique, décidé à réduire les écarts de ressources, l’attribuerait à Bob. L’utilitarisme, voyant qu’elle pourrait en faire le meilleur usage et en tirerait le maximum de plaisir, la donnerait à Anne (ou peut-être à Bob, qui en aurait le plus grand «gain de bonheur»). Mais si on défend le «droit aux fruits de son travail», dans une perspective de droite (libertarienne) ou de gauche (marxiste), la flûte reviendrait à Carla.

Aucune de ces revendications n’est infondée, et chaque principe général qui la sous-tend vaut les deux autres. Aussi le chemin vers le «parfaitement juste» est-il impraticable. Sen note que ceux qui ont lutté pour les droits des femmes ou pour l’abolition de l’esclavage «ne se dépensaient pas dans l’illusion qu’abolir l’esclavage rendrait le monde parfaitement juste», mais constataient qu’une société esclavagiste (ou sexiste, ou raciste, etc.) est totalement injuste, qu’il fallait l’abolir au plus vite, sans pour cela rechercher un consensus sur les contours d’une société idéale. Avec l’Idée de justice, il va donc fournir des outils théoriques sur lesquels un consensus peut être élaboré dans le débat public, de sorte que, mis en pratique, ils puissent participer à l’élimination de dispositions, positions, faits ou situations outrageusement injustes, de la faim à la précarisation, de la non-scolarisation des enfants au non-accès à la santé.

Liberté réelle. Quels sont ces outils ? Difficile de les répertorier sans schématiser le livre. «Toute théorie de l’éthique et de la philosophie politique», écrit Sen, doit choisir une «base informationnelle», c’est-à-dire «décider sur quels aspects du monde se concentrer» pour mesurer la justice et l’injustice, mais aussi estimer «l’avantage global d’un individu», en prenant par exemple comme critère le bonheur (utilitarisme), le revenu, les ressources ou les «biens premiers» (Rawls). Celui que choisit Sen tient au concept de «capabilité», fondé sur la liberté réelle, grâce auquel l’économiste a par ailleurs radicalement transformé la mesure des indices de «pauvreté» (laquelle reçoit une définition «multidirectionnelle», n’étant plus seulement absence de ressources mais impossibilité plus ou moins grande de vivre selon ce qui nous paraît bon de faire ou d’être). Le concept est opératoire à plusieurs niveaux, tant celui des différences entre sociétés que des différences entre avantages individuels. Selon le professeur de Harvard, l’analyse de la justice, au lieu de se concentrer sur la nature des institutions, doit prêter attention à la vie que les personnes sont effectivement en mesure de mener. «L’avantage d’une personne, en termes de possibilités, est jugé inférieur à celui d’une autre si elle a moins de capabilité – moins de possibilités réelles – de réaliser ce à quoi elle a des raisons d’attribuer de la valeur», et moins de liberté à utiliser ses biens pour choisir en toute indépendance son propre mode de vie.

Débat public. Ce n’est là qu’une petite partie de l’Idée de justice. Le propos d’Amartya Sen inclut, entre mille autres choses, une réflexion sur la démocratie, vue, selon l’expression de John Stuart Mill, comme «gouvernement par la discussion», lequel requiert que le débat public soit pris au sérieux, et canalisé par des moyens d’information ou de communication libres et responsables. Il est soutenu par la même quête d’équité que celui de John Rawls auquel il s’oppose – mais affirme sans doute avec plus de force que le fait de ne pas pouvoir définir et encore moins réaliser une société juste, n’exclut pas qu’on fasse tout pour éliminer ce qui est manifestement injuste.

AMFISSA (Grèce) (AFP) – Le procès du policier grec accusé d’avoir tué un lycéen, Alexis Grigoropoulos, en décembre 2008 à Athènes, provoquant plus d’un mois de violences urbaines, a rouvert vendredi sous haute sécurité à Amfissa (centre de la Grèce).

Le procès avait été ajourné mercredi une demi-heure après son ouverture, en raison de l’absence du principal avocat de la défense, Me Alexis Kouyias, retenu par un autre procès sur une île grecque.

L’audience a commencé vendredi à 09H00 locales (07H00 GMT).

Un cordon des forces anti-émeutes entourait le petit bâtiment de la cour d’assises tandis que plus de 400 policiers patrouillaient dans les rues d’Amfissa, une commune de 12.000 habitants au pied du mont Parnasse, dans le centre du pays.

Les banques et certains magasins ont installé des protections supplémentaires par peur des incidents.

Toutefois, aucune manifestation n’a été jusqu’ici prévue dans la ville. Des groupes de gauche et d’anarchistes s’étaient rassemblés dans le calme mercredi sur la place de la ville, deux heures après l’ajournement du procès.

Sur le banc des accusés sont assis Epaminondas Korkonéas, 38 ans, inculpé d’homicide volontaire, ainsi que son collègue Vassilios Saraliotis, 32 ans, inculpé de complicité. Tous deux sont en détention provisoire depuis décembre 2008.

M. Korkonéas risque une peine de réclusion à perpétuité tandis que son complice présumé encourt vingt ans de prison.

Selon l’accusation, M. Korkonéas, qui patrouillait le soir du 6 décembre 2008 avec son complice présumé dans le quartier d’Exarchia (centre d’Athènes), a tiré avec son arme de service trois balles en direction d’un groupe de jeunes, tuant Alexis Grigoropoulos, 15 ans.

Les deux inculpés ont affirmé être en état de légitime défense et M. Korkonéas a déclaré avoir tiré en l’air pour se protéger de jeunes qui lançaient des projectiles, assurant qu’il n’avait pas visé la victime.

Le drame avait déclenché des violences urbaines à Athènes et dans d’autres villes de Grèce pendant plus d’un mois.

Malgré des protestations de la famille de la victime, la cour suprême, saisie par la défense, avait décidé en novembre le transfert à Amfissa du procès initialement prévu à Athènes, pour “des raisons de sécurité”.

Le principal témoin de l’accusation, Tzina Tsalikian, présente au procès, a affirmé à plusieurs reprises que la décision de la cour suprême “portait atteinte au principe de publicité du procès” et réclamé qu’il se déroule à Athènes.

LE MONDE | 23.01.10 | 14h36  •  Mis à jour le 23.01.10 | 14h36
Londres Correspondante

inq ans de détention au minimum, probablement plus, dans un centre spécialisé pour enfant. Vendredi 22 janvier, le juge Brian Keith a rendu son verdict aux deux frères, aujourd’hui âgés de 11 et 12 ans, qui, en avril 2009, avaient agressé deux écoliers, de 9 et 10 ans à l’époque, avec une violence qui a glacé l’opinion britannique.

“Une agression prolongée et d’une violence sadique” sans autre motif que le plaisir, a lancé le juge aux jeunes coupables, dont les noms n’ont pas été rendus publics compte tenu de leur âge. “Je suis sûr que vous présentez un risque très élevé de faire du mal à autrui”, a poursuivi M. Keith, indiquant que leurs actes pouvaient “ s’apparenter à de la torture” et que leur “détachement glaçant”, tout comme leur absence de remords, était hautement inquiétant.

Au cours des deux jours d’audience au tribunal de Sheffield, il est apparu que l’agression perpétrée par les deux frères était aussi gratuite que cruelle. “On n’avait rien à faire”, ont-ils déclaré à la police peu de temps après les faits, qui se sont produits dans l’ancienne cité minière d’Edlington, près de Doncaster (South Yorkshire). Quand ils ont vu leurs futures proies au square, en ce samedi printanier, ils ont décidé de mettre un peu d’animation dans cette journée qui traînait trop.

Sous prétexte de leur montrer un renard mort, ils les ont emmenés loin des regards. Au cours des quatre-vingt-dix minutes qui ont suivi, les frères se sont acharnés sur les deux garçons. Ils les ont étranglés, frappés à coups de brique, dénudés, lacérés, brûlés, coupés. Ils leur ont fait manger des orties, les ont couverts d’une bâche en plastique à laquelle ils ont mis le feu, les ont forcés à se livrer à des actes sexuels l’un avec l’autre. Le plus âgé des deux a même reçu une cuvette de WC en céramique sur la tête.

“Psychopathe” en puissance

L’audience du tribunal a eu droit à un extrait des exactions, filmées pendant une dizaine de secondes par l’aîné sur le téléphone de l’une des victimes. On y voit son cadet danser joyeusement autour d’un petit corps prostré, le visage ensanglanté. On l’entend lui annoncer sa mort prochaine. Et hurler de rire, avec son frère.

Au bout d’une heure et demie, à force de frapper et de jeter des pierres, les deux enfants ont fini par avoir mal aux bras. Ils ont alors abandonné la plus âgée de leurs victimes inconsciente au sol, tandis que la plus jeune a été retrouvée plus loin, errant couverte de sang et en état de choc. “Vas-y, je vais mourir ici”, lui avait intimé son camarade.

Les deux tortionnaires, issus d’une fratrie de sept garçons, ont grandi dans un milieu “toxique”, a fait valoir la défense. Le père alcoolique, maladivement jaloux, bat sa femme. La mère, dépressive et droguée, perd pied. Dès 9 ans, l’aîné fume du cannabis, boit du cidre et de la vodka, regarde des films ultraviolents et pornographiques. Son cadet suit ses traces. Aujourd’hui, pour Eileen Vizard, la pédopsychiatre qui l’a examiné, il est un “psychopathe” en puissance, “qui continuera à faire du mal tant qu’on ne l’arrêtera pas”.

Durant les deux ans qui ont précédé les faits jugés vendredi, les deux garçons s’étaient fait connaître des services de police, en agressant des enfants et des adultes. Les services sociaux, dont la gestion du dossier est très critiquée, avaient été saisis à de multiples reprises.

Pourtant, lorsque la mère, après le départ de son mari, leur a demandé de placer ses fils en famille d’accueil et surtout de les séparer, elle n’a pas été entendue. C’est ensemble qu’ils sont arrivés dans leur nouveau foyer à Edlington. C’est ensemble que, trois semaines plus tard, ils ont torturé deux enfants croisés dans un square.

Virginie Malingre
Article paru dans l’édition du 24.01.10

AFP

Le journaliste et opposant tunisien Taoufik Ben Brik, qui purge actuellement une peine de six mois de prison pour agression, est jugé en appel samedi à Tunis.

Le journaliste et opposant tunisien Taoufik Ben Brik, qui purge actuellement une peine de six mois de prison pour agression, est jugé en appel samedi à Tunis.

Condamné fin novembre à six mois de prison ferme pour “agression” d’une femme, le journaliste dissident tunisien Taoufik Ben Brik a comparu samedi devant la cour d’appel de Tunis à la suite d’un pourvoi interjeté à la fois par ses avocats et le parquet.

Au terme des plaidoiries, le juge a mis l’affaire en délibéré, précisant que la décision serait rendue dans l’après-midi.

Le tribunal de première instance de Tunis avait jugé le journaliste coupable de “violence, atteinte aux bonnes moeurs et dégradation de biens d’autrui” lors d’un incident avec une femme d’affaires, Rym Nasraoui, qui avait porté plainte.

La défense ainsi que l’organisation Reporters sans frontières (RSF) ont dénoncé “une affaire montée de toutes pièces pour se venger du journaliste en raison des articles virulents contre le régime tunisien” qu’il a publiés dans la presse française à l’occasion des élections d’octobre dernier.

Interrogé au début de l’audience par le président de la cour Mohamed Ali Ben Chouikha, Taoufik Ben Brik s’est dit victime samedi d’une “affaire fabriquée par les services spéciaux” à cause de ses écrits.

Le représentant du ministère public a estimé, de son côté, que le jugement prononcé en première instance n’était pas conforme aux délits imputés au prévenu qui, selon lui, les a “partiellement reconnus”.

Une dizaine d’avocats de la défense se sont relayés afin de dénoncer “un procès politique” pour “punir un journaliste libre”.

“C’est une affaire de règlement de comptes par justice interposée”, a clamé Me Mokhtar Trifi qui intervenait au nom de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH).

Les conseils ont relevé les “irrégularités” et autres “vices de forme” ayant entaché la procédure judiciaire, dont la “falsification” de la signature du journaliste apposée au bas des procès-verbaux.

Ils ont réclamé une expertise de la signature contestée et la confrontation du prévenu avec la plaignante et les deux témoins cités dans l’affaire, appelant la cour à accorder, en attendant, la liberté provisoire au journaliste.

D’autres avocats ont plaidé pour l’acquittement du journaliste, jugeant les griefs imputés à Taoufik Ben Brik “fabriqués” et “infondés”.

Me Néjib Chebbi a estimé qu'”un jugement équitable devrait se prononcer pour l’innocence” du prévenu. “Taoufik Ben Brik dont l’état de santé est rendu très fragile par une déficience immunitaire ne doit pas rester en prison”, a lancé l’avocat.

L’audience s’est déroulée en présence de deux avocates françaises, Léa Forestier, collaboratrice de Me William Bourdon, le conseil de Ben Brik en France, et Sabrina Goldman, dépêchée par la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), du Réseau euromed pour les droits de l’Homme et le barreau de Paris.

L’épouse du journaliste Azza Charrad, sa soeur et deux de ses frères étaient également présents, outre des journalistes de la presse internationale. AP

Le projet de réforme de la justice, très critiquée par l’ensemble du monde judiciaire, pourrait être retardé et scindé, a indiqué, hier, une source syndicale citée par Reuter. La première partie, qui serait lancée cette année, intégrerait la réforme du régime de la garde à vue. La suppression du juge d’instruction, qui « pose des problèmes juridiques majeurs au ministère pour sa rédaction », indique cette source, n’interviendrait que dans un second temps. C’est Michèle Alliot-Marie elle-même qui aurait évoqué ce scénario.

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Eric Alt (son site)

Un parquet plus puissant pendant l’enquête, mais plus dépendant de l’exécutif.

Des lois récentes ont créé une relative confusion des rôles entre siège et parquet. Ce dernier a reçu, notamment par la loi du 9 mars 2004 d’importantes missions, comparables à celles des magistrats du siège : pouvoir de transaction, pouvoir de négocier la peine dans certains cas -y compris une peine d’emprisonnement. Ses pouvoirs d’enquête ont aussi été renforcés. En même temps, le juge d’instruction était marginalisé ; il traitait moins de 5% des dossiers.
Mais ce parquet, qui a gagné un pouvoir considérable dans la procédure pénale, est de plus en plus dépendant de l’exécutif. La hiérarchie est pesante, notamment depuis cette loi du 9 mars 2004, qui a renforcé la chaîne hiérarchique pour permettre au ministre de la justice d’intervenir dans les procédures pénales. Celui-ci s’attribue aujourd’hui un rôle de surveillance, d’interprétation, voire d’injonction dans l’application de la loi. Tous les dossiers considérés comme importants sont « signalés » à la hiérarchie. Les plus importants font l’objet de rapports détaillés et de nombreux échanges informels avec la chancellerie. Le système de nomination favorise encore cette dépendance, car il permet de sélectionner des procureurs capables d’anticiper les désirs du pouvoir.
En août 2007, un vice procureur a été convoqué par le garde des sceaux pour avoir, selon la presse, déclaré à l’audience, au sujet de l’application d’un nouveau texte de loi fixant des peines minimales : “ Je ne requiers pas cette peine-plancher. Les magistrats ne sont pas les instruments du pouvoir. Ce n’est pas parce qu’un texte sort qu’il doit être appliqué sans discernement“. Il n’a pas été sanctionné, mais son procureur général, qui l’avait soutenu, a été muté, comme d’autres qui avaient manqué de servilité envers la ministre de la justice. La leçon a été vite apprise, et la liste est longue d’affaires enterrées pour ne pas prendre le risque de déplaire.
Il est ainsi de plus en plus difficile pour le procureur d’assumer son rôle hybride : d’une part il représente la société et l’intérêt général, et d’autre part le gouvernement.
Julien Dray a été un bon cobaye de cette nouvelle politique pénale. Des moyens importants ont été mobilisés pour enquêter sur son compte. Des informations ont été distillées par le pouvoir pour le discréditer. Il a eu accès à son dossier mais sans pourvoir y répondre sur le terrain judiciaire. Et à la fin, le parquet estime l’infraction constituée, mais se contente d’un rappel à la loi. Ni vraiment coupable, ni vraiment innocent, juste sali. Il est donc en situation de faire le maximum de dégâts dans l’opposition en vue des élections régionales, ce qui ne saurait déplaire au pouvoir en place.
Une autre justice, à l’étranger.
Sous des formes diverses, de nombreux pays européens ont admis l’indépendance du parquet. C’est le cas de l’Italie, du Portugal, de la Suède. En Allemagne, le parquet appartient à la fonction publique mais il est un « organe autonome d’administration de la justice ». Quand l’Autriche a décidé, en 2008, de supprimer le juge d’instruction, elle a inscrit dans sa constitution le principe d’indépendance du parquet. Le parquet suisse sera aussi indépendant quand la procédure pénale unifiée qui entrera en vigueur en 2011.
L’unité et la cohérence de la politique pénale résultent alors du principe de légalité des poursuites, tempéré par la loi dans les domaines et pour les infractions ciblées par le législateur. Le parquet doit poursuivre chaque fois qu’il connaît d’une infraction ; la loi définit les cas dans lesquels il peut agir différemment, par exemple pour les petits contentieux. Cela n’interdit nullement une coordination nécessaire des services. En Italie, le parquet est indépendant et soumis au principe de légalité. Mais les enquêtes sur le crime organisé sont dirigées sur un plan régional. Un organe centralisé, le parquet national antimafia, qui fait partie du ministère public de la Cour de cassation, coordonne ces enquêtes.
Et quand la commission présidée par Mireille Delmas-Marty proposait de créer un parquet européen pour lutter contre les fraudes communautaires, elle recommandait un parquet indépendant, structure légère de coordination, avec des procureurs délégués dans chaque Etat membre. De même, le parquet de la Cour pénale internationale bénéficie de toutes les garanties d’indépendance.
Aucun système n’est parfait ; ce n’est pas une raison pour choisir le pire. Car aujourd’hui en France, le parquet est défiguré ; il demeure en théorie le gardien du procès équitable, mais les équilibres de la procédure ont été rompus. Pour la Cour européenne des droits de l’homme, le procureur n’est même plus une “autorité judiciaire” -sous réserve de ce que pourra dire prochainement la grande chambre. La nouvelle logique en place rapproche la situation française de celle en place en Russie : la prokuratura, héritière directe de son ancêtre soviétique, peut déplaire à tous, sauf au pouvoir.
La mort annoncée du juge d’instruction, sans libérer le parquet de sa tutelle politique a ceci d’intéressant qu’elle met le système à nu. Plus d’illusion possible sur un petit juge, bon ou mauvais, luttant seul contre la raison d’Etat. Plus d’illusion sur la possibilité de résister au populisme pénal et aux immixtions de puissants dans le cours de la justice. Plus d’illusion sur les mots “Liberté, égalité, fraternité” , même s’il continueront à figurer au fronton des palais de justice…

Lettre ouverte à ceux qui feignent de croire en l’indépendance du parquet

« Le parquet n’étouffe pas les affaires. » Jean-Claude MARIN, procureur de la République de Paris le 10 novembre 2005

« Il serait erroné de conclure de la hiérarchie réelle et indispensable du parquet que ses décisions sont nécessairement celles de la hiérarchie. Dans les sociétés modernes, le propre du chef est d’aider à l’émergence des bonnes décisions, en favorisant le dialogue et l’échange. Il n’est bien sûr pas question d’imposer d’en haut des décisions toutes faites. Cela ne fonctionnerait pas. » Laurent LE MESLE, procureur général de Paris Le 9 janvier 2009

« Enterrer des affaires, je ne vois pas pourquoi, et je ne vois pas surtout comment. » Michèle ALLIOT-MARIE, garde des sceaux Le 5 juillet 2009

« Croyez-vous que, aujourd’hui, on puisse arrêter une affaire sensible ? C’est impossible et c’est heureux. » Nicolas SARKOZY, président de la République Le 8 juillet 2009

« Je remarque que, dans le passé, même s’il y a eu des tentatives de bloquer certaines enquêtes, elles n’ont jamais atteint leur but puisque les médias s’en sont saisis. » Rachida DATI, député européen Le 29 août 2009

« La nature ainsi que la structure du parquet donnent aux magistrats la possibilité d’agir selon les principes de hiérarchisation interne, d’indivisibilité et d’indépendance. » Rapport dit du « comité Léger » Le 1er septembre 2009

Mesdames et Messieurs les représentants du pouvoir exécutif, Messieurs les hauts procureurs,

Par vos déclarations angéliques tout entières au service d’un projet politique d’asservissement de la justice, vous contribuez, avec l’autorité qui est la vôtre, à mystifier le peuple français. Vous n’hésitez pas, alors que se joue le destin d’une institution, le juge d’instruction – qui, malgré ses défauts, dont nous étions prêts à discuter, présentait l’immense avantage d’une certaine indépendance – à fausser les termes d’un débat essentiel en affectant de croire que le ministère public, qui vous est tout acquis, pourra mener toutes les enquêtes avec la même indépendance que le juge que vous entendez supprimer.

Vous avez une conscience aiguë, aux fonctions qui sont les vôtres, de la duplicité de votre discours. Vous percevez parfaitement l’un des enjeux principaux de votre réforme, qui est d’anéantir l’une des principales garanties du système pénal actuel, et de contrôler sans réserve toute la justice, alors même que vous savez que son indépendance a été pensée au bénéfice du peuple et non à celui de ses juges.

Le droit comparé vous enseigne que le parquet français est celui dont le rapport entre l’étendue de ses pouvoirs et la précarité de son statut est le moins porteur de garanties pour le justiciable. La Cour européenne des droits de l’Homme vous l’a clairement dit : le ministère public ne présente pas les caractéristiques d’une autorité judiciaire parce qu’il n’est pas indépendant du pouvoir exécutif. Qu’à cela ne tienne : vous renforcez encore son pouvoir sans changer son statut.

Nous n’ignorons pas plus que vous les objectifs de votre discours, parce que nous travaillons chaque jour dans vos parquets, ou à côté, comme juges du siège, mais également au ministère de la justice, où se décide chaque jour le sort des affaires que vous appelez « sensibles ». Nous savons qu’il s’agit pour vous de garder le contrôle absolu de ces affaires, quelles qu’en soit le coût pour la démocratie.

Aujourd’hui, afin que chacun puisse se faire une opinion qui ne soit pas faussée par votre propagande, nous rappelons les faits qui confortent nos inquiétudes et que vous ne sauriez honnêtement contredire : tel qu’il est conçu et tel qu’il fonctionne, le parquet français n’offre pas les garanties minimales d’indépendance et d’impartialité qui vous permettraient de lui confier la direction de toutes les enquêtes.

Meaux, avril 2004. Un juge d’instruction, saisi deux ans plus tôt pour crimes contre l’humanité dans l’affaire dite des « disparus du Beach », a réuni suffisamment d’éléments pour penser que Jean-François N’DENGUE, le chef de la police congolaise à l’époque des faits, a participé aux crimes sur lesquels il enquête. Celui-ci est interpellé le 1er avril 2004, déféré le lendemain, mis en examen et placé en détention provisoire, eu égard aux risques évidents de fuite, aux risques de concertation et à la gravité des faits. De manière surprenante au regard des pratiques quotidiennes des parquets, le ministère public n’a pas requis cette incarcération. Comme la défense de Jean-François N’DENGUE, le parquet fera appel du placement en détention, de façon complètement inaccoutumée. Plus grave, avec une diligence extraordinaire, le parquet général réussira à faire juger cet appel à deux heures du matin, dans la nuit du 2 au 3 avril 2004, réunissant en catimini un greffier et trois magistrats. Est-ce une survivance de la Françafrique ?

Basse Terre, depuis 2006 : des plaintes sont déposées par plusieurs associations pour « administration de substances nuisibles », s’agissant de l’utilisation, postérieurement à son interdiction en 1993, du chlordécone, un pesticide destiné à éradiquer un parasite des bananiers, dont l’utilisation a provoqué la mort de nombreuses personnes. Stratégie du parquet devant cette affaire de santé publique qui, aux Antilles, a traumatisé la population : contester, jusque devant la Cour de cassation, la recevabilité à agir des parties civiles, afin de faire annuler l’ensemble du dossier. Il est vrai que ce dossier a été ouvert sur constitution de partie civile en 2006, devant l’inertie du ministère public. Bien sûr, la Cour de Cassation a donné tort au parquet, et l’enquête a pu se poursuivre, délocalisée au pôle de santé publique de Paris. Détail : les possibles mis en cause dans cette affaire sont de riches industriels, tout l’opposé, en somme, des victimes…

Paris, tribunal aux armées, 6 février 2006 : par ordonnance, la juge d’instruction de ce tribunal estime recevables quatre plaintes accusant l’armée française, lors de l’opération Turquoise, de complicité de génocide au RWANDA en 1994. Ce faisant, elle s’oppose frontalement au parquet qui a pris des réquisitions contraires et qui, fait assez rare, décide de faire appel de cette décision sur la recevabilité. Le 29 mai 2006, malgré des réquisitions contraires, la chambre de l’instruction devait définitivement valider ces plaintes. Le parquet avait déjà tout fait pour ne pas enquêter sur cette affaire : saisi des plaintes avec constitution de partie civile, il avait, là encore de façon inaccoutumée, refusé d’ouvrir une information judiciaire, au prétexte que les plaintes n’étaient pas suffisamment étayées – alors que justement, l’objet de l’information judiciaire aurait été d’étayer ces plaintes ! Question : les conséquences politiques prévisibles d’une telle affaire sont-elles dénuées de tout lien avec l’abdication par le parquet dans ce dossier de son rôle d’autorité de poursuite ?

Paris, octobre 2006, affaire BORREL. Sophie CLEMENT, la juge qui instruit ce dossier, recueille des indices graves ou concordants contre deux ressortissants de Djibouti, soupçonnés d’avoir participé à l’assassinat du juge Bernard BORREL. Comme ces deux individus sont en fuite, elle demande au parquet de PARIS de se prononcer sur la délivrance de mandats d’arrêt. Le parquet répond que cette délivrance est prématurée, alors que le crime date d’octobre 1996, et que l’ADN de l’un de ces individus a été retrouvé sur le vêtement du défunt ! Maître MORICE, l’avocat de la veuve BORREL, évoque une « obstruction systématique du parquet dans la recherche de la vérité ». II est vrai que dans une affaire connexe de subornation de témoins, le parquet général de VERSAILLES s’était déjà opposé à la délivrance de deux mandats d’arrêt contre le Procureur et le chef des services secrets de Djibouti, sans, bien sûr, être suivi par la chambre de l’instruction, qui avait confirmé la délivrance de ces mandats. A partir de mai 2007, toujours extrêmement « indépendant » de l’exécutif, qui soutient désormais la thèse de l’assassinat, le procureur de Paris prend un communiqué dans lequel il explique pourquoi il fait sienne la thèse criminelle.

Créteil, juin 2007. Des écoutes téléphoniques laissent penser que Christian PONCELET, alors président du Sénat, pourrait être intervenu pour obtenir des marchés publics en faveur d’un homme d’affaires, moyennant finances. Ces écoutes sont transmises au parquet de Paris, qui décide prudemment de ne pas ouvrir d’information judiciaire. Ce n’est que près de deux ans plus tard, en mars 2009, alors qu’il avait quitté ses hautes fonctions depuis plusieurs mois, que Christian PONCELET sera entendu, hors garde à vue, par la police. La décision de ne pas saisir un juge d’instruction, et le train de sénateur pris par l’enquête, n’ont évidemment rien à voir avec quelque mansuétude que ce soit pour un homme alors au pouvoir.

Versailles, octobre 2007 : après avoir terminé d’instruire l’affaire dite « de la fondation Hamon », dans laquelle Charles PASQUA, André SANTINI et une quinzaine de personnes étaient mis en examen pour détournement de fonds publics et prise illégale d’intérêt, la juge d’instruction communique le dossier au parquet pour règlement. Un an plus tard, c’est-à-dire quatre fois le délai légal et nonobstant le caractère sensible du dossier (André SANTINI étant par ailleurs secrétaire d’Etat), le parquet adresse au juge un réquisitoire supplétif. Mais comme la juge d’instruction estime avoir suffisamment d’éléments, elle refuse de reprendre ses investigations, qui ne lui paraissent pas de nature à faire avancer la vérité, mais plutôt à retarder le dossier. Le procureur de la République fait alors appel de son ordonnance, soutenu par le procureur général. Le 20 mars 2009, la chambre de l’instruction ordonne le supplément d’information. La belle constance du parquet et de la chambre de l’instruction à vouloir faire perdre encore plusieurs mois à une affaire déjà vieille de six ans, afin d’affûter les charges contre un secrétaire d’Etat et un ancien ministre, ne peut que susciter l’admiration.

Paris, octobre 2007 : Le casino « indépendant » de Gujan-Mestras, en Gironde a déposé plainte avec constitution de partie civile en mars 2007 pour favoritisme. Il soupçonne le ministère de l’intérieur d’avoir protégé les intérêts financiers des grands groupes que sont Partouche et Barrière, à son détriment. Ce « petit casino » a en effet obtenu devant les juridictions administratives plusieurs annulations de décisions en défaveur du ministère de l’intérieur, relatives à l’exploitation de machines à sous supplémentaires. La gérante du casino avait peu d’espoir de voir sa plainte aboutir. Agacée, elle dépose en octobre 2007 une autre plainte pour extorsions contre Bernard LAPORTE, très en cour à Paris, qui s’était vanté de pouvoir lui obtenir, moyennant finances, la précieuse autorisation. Il s’agissait, d’après lui, d’une « plaisanterie ». Elle n’a pas été déçue : le 7 mars 2008, le parquet de Paris classe purement et simplement cette plainte. S’agissant du premier dossier, le procureur de la République demande à la doyenne Françoise NEHER de déclarer la plainte irrecevable, ce que celle-ci refuse de faire. Appel du parquet. Le 11 avril 2008, malgré les réquisitions contraires du procureur général, la chambre de l’instruction confirme que la plainte est recevable et que l’affaire doit être instruite. Le procureur de Paris a eu raison de se méfier : le 17 septembre 2008, la juge d’instruction Françoise DESSET a fait une perquisition place Beauvau…

Nanterre, février 2008. Le juge d’instruction qui enquête sur les emplois fictifs de la ville de Paris souhaite se dessaisir de son dossier au profit d’une juge d’instruction parisienne qui enquête sur l’affaire dite des « chargés de mission » de la même ville. Problème : cette dernière a mis, dans ce dossier, Jacques CHIRAC en examen au mois de novembre précédent, et elle ne fait pas partie des juges qui se laissent impressionner. Dans un bel élan de solidarité avec la défense, le parquet de Nanterre s’oppose – fait rarissime – au dessaisissement. Le juge ne suit pas ses réquisitions, et le parquet fait appel de l’ordonnance – cas sans doute unique dans l’histoire judiciaire française. La Cour d’appel confirme le dessaisissement : le parquet général se pourvoit en cassation et obtiendra enfin gain de cause… Il n’en demeure pas moins qu’en s’opposant à la jonction, le procureur de Nanterre et le procureur générale de Versailles ont été salués par Maître VEIL, l’avocat de Jacques CHIRAC. En effet, celui-ci ne pouvait pas juridiquement faire appel de l’ordonnance de dessaisissement : heureusement que le ministère public veillait.

Paris, 12 février 2008. Deux juges d’instruction, en charge de l’affaire dite des faux électeurs du cinquième arrondissement, renvoient notamment Jean et Xavière TIBERI devant le tribunal correctionnel. Depuis avril 2006, ces magistrats attendaient les réquisitions du parquet qui ne sont jamais venues. Furieux de ce renvoi, le procureur de la République Jean-Claude MARIN n’a pas hésité à dénoncer avec un aplomb incroyable « une immixtion des juges dans la campagne électorale. Je note que les juges auraient pu renvoyer Jean TIBERI plus tôt, pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? ». Ce magistrat oubliait de dire que, le 23 novembre 2007, les juges d’instruction lui avaient signifié qu’ils rendraient leur ordonnance sans les réquisitions si celles-ci n’arrivaient pas. Il serait évidemment excessif d’analyser l’étonnante lenteur du parquet comme une volonté de faire traîner encore un peu plus une procédure ouverte depuis plus de dix ans…

Créteil, janvier 2009 : le tribunal correctionnel condamne quatre policiers à huit mois d’emprisonnement avec sursis pour des violences aggravées, condamnation dont ils font appel. Le parquet n’avait pourtant pas épargné ses efforts pour éviter que cette affaire arrive entre les mains du tribunal, requérant deux non-lieux pendant l’instruction, et ne demandant pas de peine lors de l’audience. Cette affaire ne susciterait aucun commentaire s’il n’était observé que le parquet ne manifeste pas une telle mansuétude dans les affaires quotidiennes de violences.

Créteil, avril 2009 : le procureur de la République requiert un non-lieu au bénéfice de René DAHAN. Le 27 octobre 2006, ce commerçant et sa femme sont agressés chez eux par trois individus. Au terme d’une bagarre, René DAHAN se saisit de l’arme d’un des agresseurs, provoquant leur fuite. Il tire trois balles dans de dos de l’un d’eux qui meurt. René DAHAN est mis en examen pour meurtre et placé quelques jours en détention provisoire à la demande du parquet. Nicolas SARKOZY, alors ministre de l’intérieur, écrit un courrier au ministère de la justice, pour s’offusquer de cette détention : « cette affaire suscite une émotion considérable parmi nos concitoyens, qui ont du mal à admettre qu’un honnête homme, agressé chez lui, menacé de mort avec une arme soit en retour mis en examen et placé en détention provisoire ». Durant la première partie de l’information judiciaire, c’est-à-dire avant les propos de Nicolas SARKOZY, le parquet avait réfuté la thèse de la légitime défense. Mais, bien sûr, analyser les réquisitions de non-lieu, inhabituellement signées par le procureur de la République en personne, comme un gage donné aux plus hautes autorités de l’Etat relève de la plus insigne mauvaise foi.

Paris, 7 mai 2009 : le parquet fait appel de l’ordonnance de recevabilité des plaintes avec constitution de partie civile déposées contre des chefs d’état africains pour recel et complicité de détournements de biens publics et privés. Pourtant, au moment des dépôts de plaintes simples en mars 2007, le parquet les avait jugées parfaitement recevables, puisqu’une enquête avait été diligentée, classée en novembre 2007 pour cause « d’infraction insuffisamment caractérisée ». C’est donc des plaintes avec constitution de partie civile que les associations Transparence Internationale, Sherpa, ainsi qu’un citoyen gabonais étaient contraints de déposer en décembre 2008, plaintes déclarées recevables le 5 mai 2009 par la doyenne des juges d’instruction. Le 17 septembre 2009, la chambre de l’instruction a examiné la recevabilité de ces plaintes et le représentant du parquet général a requis avec un aplomb assez remarquable leur irrecevabilité. Il a en effet soutenu que cette affaire relevait de l’intérêt général, dont seul le ministère public pouvait assurer la défense. Or, justement, le ministère public avait décidé de ne pas agir dans ce dossier. Ou comment préserver les relations avec nos amis chefs d’Etats africains…

Rennes, 9 mai 2009 : une motarde, qui circule sur une bretelle d’autoroute entre Rennes et Lorient, est dangereusement doublée par un gros 4X4 qui s’amusait à la coller au point d’avoir touché le coffre arrière de la motocyclette. Le véhicule prend la fuite et, d’après la plaignante, ses occupants lui font un bras d’honneur. Elle parvient à relever le numéro d’immatriculation et dépose plainte. La police effectue alors ses recherches et comprend qu’il s’agit d’un véhicule appartenant au premier ministre François FILLON, et que le conducteur n’était autre qu’un de ses fils. Celui-ci a été convoqué pour un… rappel à la loi. La lutte contre l’insécurité routière, priorité affichée du gouvernement, trouve parfois des limites.

Paris, juin 2009 : Qui a commandité l’attentat de Karachi le 8 mai 2002, dans lequel quatorze personnes dont onze français ont trouvé la mort ? Al Qaïda comme l’enquête s’acharne à le démontrer ? Cet attentat n’est-il pas au contraire le résultat de représailles à la suite de l’arrêt en 1995 du versement de commissions au Pakistan dans la foulée de contrats de livraison de sous-marins, commissions ayant pu générer des rétro-commissions ayant servi à financer la campagne électorale d’Edouard BALLADUR en 1995 ? Ce qui est certain en revanche, c’est que plusieurs éléments qui militaient en ce sens, parvenus à la connaissance du parquet, n’ont pas été joints au dossier des magistrats instructeurs. Quoi qu’il en soit, le chef de l’Etat, qui avait un rôle essentiel dans la campagne d’Edouard BALLADUR en 1995, a qualifié cette hypothèse de « fable ». Le parquet de Paris lui a immédiatement emboîté le pas en publiant un communiqué pour affirmer qu’aucun « élément objectif » ne reliait l’attentat à un contentieux franco-pakistanais.

Paris, juillet 2009 : révélations sur l’affaire dite des moines de Tibéhirine. En 1996, sept moines français sont exécutés en Algérie. A l’époque, le drame est attribué aux Groupes Islamistes Armés. Aucune enquête n’aura lieu, contrairement à la pratique la plus systématique lorsqu’un ressortissant français meurt à l’étranger de mort violente. En juillet 2009, un témoignage vient conforter une thèse qui affleurait déjà dans le dossier : ces assassinats pourraient résulter d’une « erreur » de l’armée ou des services secrets algériens. Alain MARSAUD, ancien juge d’instruction antiterroriste et ancien député UMP, affirme : « c’est une affaire qui a été enterrée volontairement ». Il rappelle qu’en 1996, il avait reçu des informations essentielles mettant en cause l’Etat algérien dans ce dossier. Il s’en était ouvert à Jacques TOUBON, alors garde des sceaux, qui lui avait dit qu’il « n’était pas question d’ouvrir une information judiciaire ». Effectivement, l’information judiciaire ne sera pas ouverte avant… 2004, soient huit ans après les faits. Ce qui n’empêche pas aujourd’hui certains d’affirmer que le parquet peut, à sa guise, ouvrir des informations judiciaires et que le garde des sceaux n’a absolument pas le pouvoir de s’y opposer.

Ajaccio, 31 juillet 2009 : le juge d’instruction Jean-Bastien RISSON renvoie devant le tribunal correctionnel plusieurs individus pour des vols de yachts de luxe. Parmi ces mis en examen, Imad et Moez TRABELSI, neveux du président tunisien BEN ALI. Le parquet décide alors de ne pas convoquer à l’audience les deux neveux, décidant de disjoindre leur sort, et assurant qu’il seront « jugés rapidement en Tunisie ». Le 30 septembre 2009, le tribunal a donc condamné les seconds couteaux, mais pas les frères TRABELSI. Cette attitude incroyable du parquet, en totale contradiction avec l’ordonnance du juge d’instruction, peut-elle s’analyser autrement que comme une volonté de soustraire deux dignitaires du régime tunisien à la justice Française ?

Pornic, 26 août 2009, un individu est mis en garde à vue pour refus d’obtempérer : il a roulé largement au dessus de la vitesse autorisée, et ne s’est pas arrêté lorsque les gendarmes ont voulu l’interpeller. Ces derniers comprennent vite que l’intéressé n’est pas n’importe qui : il est le frère de Jean-Marie HUET, directeur des affaires criminelles et des grâces de Michèle ALLIOT-MARIE. Ils informent immédiatement le parquet de Saint-Nazaire, qui leur demande de remettre cet homme de bonne fratrie en liberté, et « que la procédure lui soit transmise sous pli fermé ». Les gendarmes ajoutent dans leur rapport : « un classement sans suite est déjà décidé par l’autorité judiciaire ». Tellement énervés, les gendarmes, qu’ils ont fait paraître la nouvelle dans leur revue mensuelle. Enervés par quoi, d’ailleurs ?

Paris, septembre 2009, ouverture du procès dit « Clearstream ». Le procureur de la République tient lui-même le siège de l’accusation. Quelques jours plus tôt, il a affirmé sur une radio que Dominique de VILLEPIN avait été « un bénéficiaire parfaitement conscient » de la falsification de fichiers nominatifs. A l’époque pourtant où celui-ci était premier ministre, le parquet de Paris développait une vision très différente du dossier, rapportée par le Canard Enchaîné : « Dominique de Villepin ne pouvait imaginer que Jean-Louis GERGORIN ait mis sa réputation en jeu en utilisant des listings qu’il savait faux ». Relever que l’argumentation juridique du parquet de Paris dans cette affaire sert opportunément mais systématiquement les intérêts du pouvoir en place relève, à l’évidence, de la calomnie.

Paris, 1er septembre 2009 : le parquet classe sans suite l’enquête ouverte contre François PEROL pour prise illégale d’intérêt. Au début de l’année 2009, le secrétaire général adjoint de l’Elysée a été nommé à la tête des Banques Populaires et des Caisses d’Epargne, sans que la Commission de Déontologie ne soit saisie. Le président de la République avait alors affirmé faussement que la commission avait été saisie. Devant l’ampleur des protestations, une enquête a donc été ouverte. Deux mois plus tard, le député Jérôme CAHUZAC a indiqué qu’ « aucune audition n’avait eu lieu dans le cadre de cette enquête », accusant le pouvoir de vouloir l’étouffer. Qui pourra encore accuser le parquet de Paris d’une trop grande sévérité envers les justiciables ?

Nanterre, septembre 2009. Dans la procédure opposant Liliane BETTENCOURT et sa fille Françoise, le journal Le Monde titre : « Affaire BETTENCOURT : le parquet tente de bloquer la procédure ». En effet, lors de l’audience du 3 septembre 2009 où Françoise BETTENCOURT poursuivait le photographe François-Marie BANIER pour abus de faiblesse par voie de citation directe, le parquet a pris des réquisitions tendant à contester la recevabilité de la partie civile. Le tribunal n’a pas suivi ces réquisitions, et le parquet a immédiatement fait appel. La cour d’appel, par arrêt du 18 septembre 2009, a débouté le parquet de son appel. Il est vrai qu’imaginer que le soutien du parquet à la cause de la femme la plus riche de France ne résulte pas que d’une application scrupuleuse des règles de droit serait parfaitement inconvenant. Selon que vous serez puissant ou misérable…

Nanterre : l’enlisement des dossiers… Affaire de l’informatisation des collèges des Hauts-de-Seine, affaire du marché du chauffage du grand quartier d’affaire, affaires de la SEM92, de la SEM Coopération, affaire de la rénovation des collèges du département… Le procureur de Nanterre, Philippe COURROYE, nommé contre l’avis du CSM et décoré par le Président de la République, ne manque pas de travail. Il a pourtant choisi de conserver la maîtrise de certains de ces dossiers en ne confiant pas les enquêtes à un juge d’instruction. Lorsqu’il l’a fait, c’est d’ailleurs la police qui a cessé de travailler, comme l’a révélé un courrier d’une juge versé dans un dossier. Comme le remarque le journal Le Point en septembre 2008 : « La plupart des dossiers progressent peu depuis deux ans. Nommé en mars 2007 à la tête du parquet de Nanterre, le procureur, a surpris par son manque de pugnacité ». Surpris, vraiment ?

Paris, la valse des non-lieux. Ces derniers mois, on ne compte plus les dossiers sensibles dans lesquels le procureur de Paris a demandé aux juges d’instruction de prononcer des non-lieux. L’affaire des 3 millions d’euros dont auraient bénéficié Charles PASQUA et Jean-Charles MARCHIANI de la part des frères SAFA ? Non-lieu requis le 30 juin 2009. L’affaire « pétrole contre nourriture » et ses 22 mis en examen ? Non-lieu requis pour Charles PASQUA, Christophe de MARGERIE et son équipe, malgré le projet de renvoi au correctionnel du substitut régleur, croit savoir Charlie-Hebdo. L’affaire VIVENDI ? Non-lieu général requis en janvier 2009, malgré les conclusions de l’AMF. Ce qui vaut à Jean-Claude MARIN le surnom, dans ce même journal, de « roi des fossoyeurs ». Celui là même qui jurait naguère, la main sur le cœur, que « le parquet n’étouffe pas les affaires ».

Paris, 28 septembre 2009. Mais l’affaire d’entre les affaires, celle dans laquelle le parquet ne se sera rien épargné pour qu’elle n’aboutisse pas, c’est évidemment celle dite des « chargés de mission de la Ville de Paris », dans laquelle Jacques CHIRAC et de nombreuses personnalités sont mises en examen pour avoir fait payer par la ville de PARIS des employés qui travaillaient en réalité à tout autre chose. Jugeons-en plutôt : à la suite de la réception d’un courrier anonyme par un juge d’instruction de Créteil, qui le transmet à PARIS, une minuscule enquête est ouverte par le parquet, presque immédiatement classée sans suite. En 1998, grâce à la pugnacité d’un contribuable parisien, l’enquête redémarre sur plainte avec constitution de partie civile. A la faveur de la loi sur l’immunité pénale du chef de l’Etat, elle est mise en attente pendant quelques années. Début 2009, la juge d’instruction Xavière SIMEONI, qui a achevé son enquête, transmet le dossier au parquet pour réquisitions. Surprise : durant le procès CLEARSTREAM, Jean-Claude MARIN trouve le temps de signer un réquisitoire de non-lieu général. Quelques éléments de contexte : le procureur de la République de Paris, qui a signé ces réquisitions, a été directeur des affaires criminelles et des grâces de Dominique PERBEN. Surtout, Laurent LE MESLE, son supérieur hiérarchique, a été le propre conseiller de Jacques CHIRAC pour les affaires judiciaires à l’Elysée. Comment concilier ces fonctions passées avec l’apparence d’impartialité qui doit s’attacher aux fonctions de magistrat ? Le Canard Enchaîné s’est amusé à décrire les contorsions auxquelles s’est livré Jean-Claude MARIN (« créez votre emploi fictif grâce au proc’ de Paris »). Il reviendra à la juge d’instruction de dire le droit dans cette affaire : ce n’est pas tous les jours que la question se pose de renvoyer un ancien président de la République devant le tribunal. Pour cela, il ne faut qu’un principe : l’impartialité, et qu’une qualité : l’indépendance.

Ne cherchez pas de scoop, il n’y en a pas. La presse s’est déjà fait l’écho de ces faits, ce qui n’a pas empêché leur répétition… Une actualité chassant l’autre, la mémoire nous fait parfois défaut et on omet d’analyser tous les ressorts de ces affaires judiciaires. Cette compilation ne révèle qu’une chose : la totale hypocrisie de votre discours. Il est aujourd’hui très difficile qu’une affaire sensible prospère devant un tribunal correctionnel lorsque le parquet ne l’a pas souhaité. Demain, avec la suppression annoncée du juge d’instruction, il faudra un miracle. Mais tout cela, vous le savez, puisque c’est essentiellement dans cet objectif que vous l’avez décidée.

LE SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE

Par YAAKOV KATZ
10.01.10
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Le plaignant est Azam Qiq, employé comme mécanicien au sein de la mission diplomatique jusqu’à son licenciement en 2006. Son père, Hassan Qiq, était le cerveau du Hamas à Jérusalem avant sa disparition en 2006.

Tout bascula à la mort de son père en Février 2006. Selon les dires du Consulat lors du procès, les “dinosaures” du Hamas étaient présents lors des funérailles, des funérailles aux couleurs vertes des drapeaux du Hamas.
Photo: AP , JPost

Selon les documents de la cour recueillis par le Jerusalem Post, Azam Qiq avait affirmé lors de son entretien d’embauche n’avoir jamais était arrêté, ni même interrogé par la police israélienne. Pendant les trois années qui suivirent son engagement, Azam était un employé modèle, récompensé à deux reprises pour ses loyaux services.

Tout bascula à la mort de son père en Février 2006. Selon les dires du Consulat lors du procès, les “dinosaures” du Hamas étaient présents lors des funérailles, des funérailles aux couleurs vertes des drapeaux du Hamas. Six mois plus tard, le consulat apprit qui était le père de Qiq. Par ailleurs, un communiqué du Hamas, publié après la mort d’Hassan, le confirme :
“Les croyants et le mouvement de résistance islamique, le Hamas, considèrent le Prof. Hassan Suleiman Qiq, membre des Frères musulmans de Palestine et membre fondateur du Hamas, comme un maître, un professeur et un éducateur exceptionnel,”

Hassan Qiq était déjà connu par le Shin Bet (l’agence de sécurité israélienne) et était au cœur d’une enquête contre le Hamas à Jérusalem.
Un mois après la fin de l’enquête, Azam Qiq fut arrêté par le Shin Bet et accusé de dissimuler une valise contenant des documents en lien avec les finances du Hamas. Son frère Ziad, conseillé du représentant du Hamas à Jérusalem, fut également arrêté.

Quelques temps plus tard, le consulat découvrit qu’il avait déjà fait l’objet d’une arrestation à deux reprises : une première fois en 1988 pour tir de pierres, et une deuxième fois en 1989 pour avoir rejoint une organisation illégale. Pour chacune de ces arrestations, il s’est vu infliger une peine d’un mois de détention.

Licencié en 2006, il entama en 2007 un procès contre le consulat et le gouvernement américain pour cause de licenciement abusif. Il réclama presque 250 000 shekels de dédommagement. Le consulat se défendit déclarant qu’il n’avait pas eu d’autre choix que de licencier Qiq.

KARACHI (Pakistan) (AFP) – Au tribunal à New York, les procureurs dépeignent celle que des médias américains appellent “Lady Al-Qaïda” comme une apprentie terroriste, mais sa famille et ses défenseurs au Pakistan assurent qu’elle est une victime des fameuses prisons secrètes américaines.

A 37 ans, Aafia Siddiqui, une neuroscientifique diplômée d’une prestigieuse école américaine, est jugée depuis mardi aux Etats-Unis pour avoir tenté de tuer en 2008 des agents du FBI qui l’interrogeaient dans une prison afghane, après s’être emparée d’une de leurs armes.

Mme Siddiqui, grièvement blessée par balle à l’estomac dans l’incident, proclame qu’elle a été enlevée en 2003 à Karachi et détenue pendant cinq ans, avec ses trois enfants, dans une prison américaine en Afghanistan.

Des organisations de défense des droits de l’Homme qui se sont emparées de son cas affirment qu’il s’agit de la prison de Bagram, près de Kaboul.

L’accusation américaine assure qu’elle a été arrêtée en 2008 par la police dans le sud afghan en possession de plans d’attentats “massivement meurtriers” aux Etats-Unis, qu’elle était recherchée depuis 2004 par le FBI pour son appartenance à Al-Qaïda et qu’elle a peut-être été mariée à un cousin de celui qui s’accuse d’être le cerveau des attentats du 11 septembre, Khaled Cheikh Mohammed.

Ce dernier avait été arrêté à Rawalpindi, près d’Islamabad, le 1er mars 2003, un mois avant la disparition de Mme Siddiqui à Karachi, la capitale économique du Pakistan.

Mais à New York, elle n’est jugée que pour avoir tenté de tuer des agents du FBI. Dès la première journée du procès, les juges l’ont fait expulser après qu’elle eut perturbé les débats en lançant notamment qu’elle avait été “détenue dans une prison secrète”, où ses enfants “ont été torturés”.

Dans sa maison du quartier chic de Gulshan-e-Iqbal à Karachi, sa mère, la très frêle Ismat Siddiqui, 70 ans, ne peut imaginer sa fille en tueuse ou en terroriste.

“Elle aime les gens, les animaux, les fleurs, elle ne ferait jamais de mal à quoi que ce soit de vivant, alors comment pourrait-elle tuer des soldats américains ?”, se lamente la vieille dame, en contemplant le vaste jardin de la propriété familiale où Aafia se passionnait pour la culture des roses.

“Elle en était folle, elle en a planté de toutes sortes dans le jardin”, se souvient sa soeur Fowzia, médecin, qui évoque une “soeur brillante et une mère courageuse, pratiquant sa religion mais pas fanatique”.

Après un diplôme du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), Aafia était rentrée à Karachi pour vivre en famille, avant de “disparaître” le 30 mars 2003, avec ses trois enfants.

Comment Aafia s’est-elle retrouvée, cinq ans plus tard, arrêtée dans cette province de Ghazni, dans le sud afghan, un bastion des talibans ? A-t-elle passé cinq ans dans une prison américaine en Afghanistan ? Ou, comme le soupçonnent ses accusateurs, en Afghanistan avec des combattants d’Al-Qaïda ?

Deux de ses enfants sont toujours portés disparus. Le troisième, renvoyé au Pakistan par les autorités afghanes en 2008, vit aujourd’hui avec sa grand-mère à Karachi où la police a lancé en décembre une enquête sur “le kidnapping d’Aafia Siddiqui par des inconnus”, selon Niaz Khoso, un haut responsable de la police de Karachi.

Il explique à l’AFP avoir recueilli le témoignage du fils, âgé aujourd’hui de 13 ans: “Il nous a dit que des hommes avaient intercepté le taxi qui les emmenait à l’aéroport de Karachi et les avaient capturés”, dit-il. Mohammad Ahmed avait alors 6 ans.

“Il nous a dit aussi qu’il avait été endormi et s’était réveillé dans une prison pour enfants à Kaboul, d’où des organisations de défense des droits de l’Homme l’ont fait sortir et remis aux autorités pakistanaises en 2008”, ajoute l’officier.

Copyright © 2010 AFP

14 Janvier 2010



Luanda — L’Etat angolais a demandé la suspension d’un procès judiciaire déposé contre l’avocat Francisco Cruz Martins et l’homme d’affaires Eduardo Capelo de Morais (tous portugais) au terme des négociations entre les parties, a appris l’Angop de source officielle.

Un communiqué du ministère public d’Angola parvenu mercredi à l’ANGOP souligne qu’aux termes et par les effets prévus à l’article 206 du code pénal portugais a été déposée en décembre dernier, au département central d’Enquête et l’action pénale de Lisbonne, une demande conjointe de suspension du procès.

Suite à la mort du lieutenant colonel António Figueiredo (également traduit en justice) en novembre dernier, sa responsabilité criminelle reste nulle. Ainsi les avocats contractés par l”Etat angolais, José Ramada Curto, Paulo Amaral Blanco et Cristina Fortes Duarte, da Amaral Blanco, Portela Duarte & Associados- société des avocats poursuivent les negociations avec les respectifs héritiers pour reduire les possibilités d’un accord extra-judiciel.

Selon le communiqué, le ministère public angolais est convaincu que les hérétiers du Lieutenant-colonel António Figueiredo sauront honorer la volonté du disparu, en vue de réparer les préjugés qu’il a causés, car il a été le premier des accusés à manifester ce souhait.

Il convient de rappeler que l’Etat angolais a présenté l’année dernière une plainte à la justice portugaise contre l’avocat Francisco Maria Guerreiro da Cruz Martins qui a un certain moment historique, une tâche professionnelle a été confiée.

Durant le procès, l’Etat angolais s’est vu lésé dans ses intérêts patrimoniaux à un montant supérieur à 150 millions de dollars américains.

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