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Il a été l’homme le plus recherché de France, « la » priorité de tous les services de police. Pascal Payet, 46 ans, natif de Montpellier, actuellement détenu à la centrale de Saint-Maur (Indre), va bientôt comparaître devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes pour son évasion, le 14 juillet 2007, de la prison de Grasse. Sa seconde « belle » après celle de la maison d’arrêt de Luynes, près d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), en 2001. Déjà condamné à trente ans de réclusion criminelle pour le meurtre d’un convoyeur de fonds en 1997 à Salon-de-Provence puis à quinze ans supplémentaires en juin 2008 pour « vol à main armée » et « violences volontaires sur des policiers », cette figure du grand banditisme va donc faire son retour devant un jury qui, le temps des débats, analysera les moindres détails de sa rocambolesque évasion.

Prise d’otage

Paris, 14 juillet 2007. Sur les Champs-Elysées, le défilé militaire touche à sa fin. Dans les airs, trente-sept hélicoptères clôturent les festivités. 900 kilomètres plus au sud, une voiture se gare non loin de l’aéroport de Cannes-Mandelieu. A son bord, quatre hommes. Férus eux aussi d’hélicoptères, pour d’autres raisons ! Après une journée de planque, maintenant encagoulés et lourdement armés, ils prennent en otage un pilote de la société Azur Hélico. Une demi-heure plus tard, sous la menace, le pilote de l’appareil, un Ecureuil, se pose sur l’un des toits de la prison de Grasse. De là, calmement, les quatre hommes rejoignent la zone de détention après avoir enfoncé plusieurs portes. Pascal Payet les y attend. Carrure athlétique et regard noir, il est l’un des derniers « grands » truands français. En 2001, alors en détention préventive à la maison d’arrêt de Luynes, il est entré dans la « légende » du grand banditisme en se faisant la belle à bord d’un hélicoptère. Trois ans plus tard, en cavale, il avait poussé l’audace jusqu’à venir extraire de la même prison, toujours par les airs, ses deux fidèles amis et complices, Eric Alboréo et Michel Valéro.

Grosse cylindrée

Septembre 2007. Après deux mois de traque, de surveillances discrètes et de dizaines d’écoutes téléphoniques, les enquêteurs de la Direction interrégionale de la police judiciaire (DIPJ) de Marseille parviennent à localiser Payet et identifient les quatre hommes venus le « récupérer » sur le toit de la prison de Grasse. Parmi eux, Alain Armato et son « lieutenant », Farid Ouassou. Le 21 septembre, dans les faubourgs de Marseille, les deux hommes enfourchent une grosse cylindrée. Direction Mataro, dans le nord de l’Espagne, où « le roi de la belle » les attend dans un restaurant. Suivis à distance par des hommes de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) de la cité phocéenne, le trio est appréhendé. Payet, la tête rasée, a largement perdu de sa superbe. « Terriblement vieilli », précisait alors un enquêteur. Sur lui, 20.000 euros, un Colt 45, un 357 Magnum, un faux passeport français et un trousseau de clés. Dans les jours suivants, une dizaine de personnes, âgées de 20 à 40 ans, sont interpellées dans les Bouches-du-Rhône. Depuis, la plupart ont été mises en examen pour « vol à main armée en bande organisée, enlèvement et séquestration d’otage, évasion avec armes et association de malfaiteurs ». Dans les prochains mois, elles comparaîtront aux côtés de Payet. Seul Malik Atassi manquera à l’appel. Mis en examen dans cette affaire, il s’est suicidé en prison le 30 septembre 2007.

Edition France Soir du jeudi 7 janvier 2010 page 10


Logo_france_soirle jeudi 7 janvier 2010 à 04:00

Nécrologie
LE MONDE | 06.01.10 | 15h42  •  Mis à jour le 06.01.10 | 15h42

e nationalisme corse, le barreau de Bastia et nombre de représentants – simples citoyens ou notables – de la société insulaire sont en deuil. L’avocat bastiais Vincent Stagnara, ancien bâtonnier, est mort. Victime d’une chute du troisième étage – accident ou suicide ? Il n’a laissé aucun message, mais les enquêteurs évoquent le suicide -, Vincent Stagnara, 59 ans, s’est écrasé sur le trottoir au pied de son immeuble de la rue César-Campinchi, dans le centre de Bastia, samedi 2 janvier peu après 13 h 30.

Affable, déterminé et passionné, tel était Vincent Stagnara. Né dans une famille modeste, ce fin lettré aimait son île, les discussions politiques, les livres – d’histoire et de littérature – et le Sporting Club de Bastia. Pendant près de trente-cinq ans il a plaidé en faveur des nationalistes corses. Devant la Cour de sûreté de l’Etat d’abord, puis, après la dissolution de cette juridiction d’exception par François Mitterrand en 1981, devant les cours d’assises spécialement composées de magistrats professionnels. Cet homme aux convictions marquées à gauche – il avait un temps milité au PSU au début des années 1970 avant de rejoindre l’Action régionaliste corse (ARC) -, était un partisan résolu de l’indépendance de la Corse et de la lutte “per la nazione”, qu’il soutenait “sous toutes ses formes”.

Sa vie professionnelle et son militantisme se confondaient en un seul et même engagement. C’est en 1976, en défendant le docteur Edmond Simeoni, condamné à cinq ans d’emprisonnement pour l’occupation de la cave vinicole d’Aléria, qui s’était achevée en août 1975 par la mort d’un CRS et de deux gendarmes, que Vincent Stagnara s’était révélé aux côtés d’autres avocats corses.

Après ce premier procès spectaculaire, Vincent Stagnara fut de toutes les grandes confrontations judiciaires concernant des nationalistes corses. En 1978, il est sur le banc de la défense au premier procès de 21 membres du jeune Front de libération nationale Corse (FLNC) ; il y sera en 2003 aux côtés du commando poursuivi pour l’assassinat du préfet Claude Erignac ; il y sera encore en 2006, lorsque Vincent Andriuzzi et Jean Castella, accusés d’être les commanditaires de cet assassinat, seront acquittés en appel, tout comme il y fut l’année d’avant, lors du procès en correctionnelle du chef nationaliste Charles Pieri ou encore pour plaider en faveur de Jo Peraldi, condamné à quinze ans de réclusion pour un double attentat commis en plein jour, en 1999, contre des bâtiments publics d’Ajaccio.

Parallèlement à ses activités d’avocat, Vincent Stagnara avait exercé des responsabilités de premier plan au sein de l’organisation nationaliste A Cuncolta, dont il fut secrétaire général au début des années 1980. Comme l’a révélé en 2006 l’ancien commissaire de police Lucien Aimé-Blanc dans son livre L’Indic et le Commissaire (éditions Plon), cette double exposition au service de la cause nationaliste avait valu à Vincent Stagnara de figurer à la fin des années 1970 sur une liste de cinq dirigeants nationalistes suspectés d’appartenir au FLNC, que des policiers agissant en marge de leurs services se proposaient d’éliminer.

Dans les années 1990, lorsque le mouvement nationaliste se déchire et qu’autonomistes du FLNC-canal habituel et indépendantistes du FLNC-canal historique s’entretuent, Vincent Stagnara choisit résolument le camp indépendantiste. S’il prend un peu de recul à partir de 1993, c’est pour mieux s’investir à partir de 1999, avec Charles Pieri et Jean-Guy Talamoni, dans l’exécutif de Corsica Nazione, devenu Corsica libera en 2008, à la faveur d’une énième recomposition du mouvement indépendantiste.

Vincent Stagnara considérait que la solution du problème corse passait par l’Europe et l’élargissement de ses institutions. Homme de dialogue, il avait mis beaucoup d’espoir dans le processus de Matignon commencé en 2000, sous l’égide de Lionel Jospin, alors premier ministre. “On a été à deux doigts de demander aux militants clandestins qu’ils déposent les armes”, avait-il confié au Monde quelques années plus tard. Il a été enterré lundi 4 janvier, en présence d’une foule nombreuse, dans son village d’Ersa, à l’extrémité du cap Corse.

Yves Bordenave

Dates clés
10 août 1950
Naissance à Bastia.

18 décembre 1974
Prête serment au barreau de Bastia.

1976
Défend le docteur Simeoni, jugé après l’affaire d’Aléria.

2 janvier 2010
Mort à Bastia.

Article paru dans l’édition du 07.01.10
LE MONDE | 05.01.10 | 14h44  •  Mis à jour le 05.01.10 | 15h42

n 2010, nous réformerons notre justice pour qu’elle protège davantage les libertés et qu’elle soit plus attentive aux victimes.” Le voeu présidentiel adressé par Nicolas Sarkozy aux Français, le 31 décembre 2009, se heurte à plusieurs difficultés, que la ministre de la justice, Michèle Alliot-Marie, tente de résoudre en dévoilant peu à peu les grandes lignes de sa réforme de la procédure pénale, comme elle l’a fait, lundi 4 janvier, devant l’école de formation du barreau de Paris.

En annonçant, il y a un an, la suppression du juge d’instruction, magistrat indépendant, pour confier l’ensemble des enquêtes à des procureurs soumis hiérarchiquement au ministère de la justice, M. Sarkozy a suscité de vives réactions dénonçant une volonté de mise au pas de juges qui ont parfois mis en cause des élus dans des affaires politico-financières.

L’Elysée est conscient des difficultés de la réforme, notamment sur deux points cruciaux. “Il faut permettre à une victime de déposer plainte si le parquet classe sans suite un dossier”, explique un proche de M. Sarkozy, qui ajoute : “Il y a un problème sur la nomination des procureurs. Si on y touche, c’est une réforme constitutionnelle.” L’Elysée est peu enthousiaste à l’idée de réunir le Parlement en Congrès sur la réforme du statut du parquet, hypothèse écartée par le gouvernement lors de la révision constitutionnelle de 2008.

La mission de Michèle Alliot-Marie est donc de mener à bien la réforme de la procédure pénale, sans toucher au statut du parquet. Sauf si la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) confirme son arrêt Medvedyev de juillet 2008, dans lequel elle estimait que le procureur français n’était pas une “autorité judiciaire” indépendante. La CEDH devrait rendre sa décision en mars. Mais l’Elysée est peu inquiet.

Lundi 4 janvier, la garde des sceaux a de nouveau essayé de rassurer : “Aujourd’hui, beaucoup focalisent sur le juge d’instruction. Mais c’est tout le système qui doit être repensé, y compris les enquêtes du ministère public.”

La ministre souhaite encadrer les interventions du garde des sceaux, qui continuera comme aujourd’hui à donner aux procureurs des instructions de poursuites dans des dossiers individuels, mais ne peut leur demander de ne pas poursuivre une affaire. “Supposons qu’un ministre de la justice passe outre cette interdiction et qu’il demande au parquet de classer l’affaire. Dans cette hypothèse, le procureur sera tenu de désobéir à cet ordre manifestement illégal”, a indiqué la garde des sceaux. Les cas où le ministre de la justice donnerait des ordres illégaux devraient être rares, mais “la disposition sera inscrite noir sur blanc dans le futur code de procédure pénale”.

La chancellerie travaille également sur des hypothèses dans lesquelles les membres du parquet pourraient exercer “un droit de retrait” s’ils estiment que les instructions de leurs supérieurs sont contraires aux intérêts de l’enquête. Le ministère envisage aussi de permettre à la chancellerie de présenter des observations sur des points de droits soulevés par une affaire, qui seraient versées au dossier.

La ministre de la justice a précisé les moyens d’intervention des victimes dans l’enquête pénale. Elle veut compléter la constitution de partie civile, qui permet aux victimes d’avoir accès au dossier judiciaire, par la création d’une “partie citoyenne”. Cette possibilité permettrait à de simples citoyens d’aller en justice dans le cas d’affaires impliquant des responsables de collectivités publiques telles les mairies, les collectivités locales ou des administrations. Les parties pourront par ailleurs contester un classement sans suite du parquet ou une décision de non-lieu. “Aucune affaire ne pourra donc être étouffée, à aucun stade de la procédure”, assure la garde des sceaux.

Si le procureur refuse des actes d’enquête demandés par les parties, le juge de l’enquête et des libertés (JEL), magistrat indépendant qui sera chargé de contrôler l’enquête, peut obliger le parquet à les effectuer. Ce juge sera nommé par décret. Il pourra suivre en priorité les dossiers dont il a déjà été saisi.

Si le procureur “demeure peu coopératif et refuse de tirer les conséquences de la décision du juge”, les parties pourront saisir la chambre de l’enquête et des libertés (qui remplacera l’actuelle chambre de l’instruction de la cour d’appel), laquelle pourra renvoyer l’affaire devant le JEL. “Le juge de l’enquête et des libertés prend alors la main. Il lui revient donc de mener lui-même les actes nécessaires à l’enquête”, explique Mme Alliot-Marie. C’est le retour limité et encadré du juge d’instruction.

Cette architecture complexe ne convainc pas les magistrats. “On recrée un juge d’instruction inefficace qui intervient dans un troisième temps de la procédure, explique le président de l’Union syndicale des magistrats (USM), Christophe Régnard. On met en place une usine à gaz pour essayer de trouver une solution à une mauvaise idée du président de la République.” “Le procureur aura un devoir de désobéissance, mais s’il désobéit il sera muté d’office, ajoute Clarisse Taron, nouvelle présidente du Syndicat de la magistrature (SM). Il faut d’abord réformer le statut du parquet.”

Alain Salles
Article paru dans l’édition du 06.01.10
Point de vue – LE MONDE

epuis 2003, les indices du refroidissement démocratique sont palpables dans le domaine de la justice, l’année 2009 restera comme celle de l’accélération du processus. La cause en est connue : un président de la République qui pollue l’équilibre des pouvoirs en intervenant à tout bout de champ dans la sphère judiciaire. Un pouvoir exécutif qui accélère comme jamais la concentration dans ses mains de tous les pouvoirs de l’Etat par l’intermédiaire de ses affidés.

Au cours de l’année 2009, le pilotage du ministre de la justice par le très écouté et influent Patrick Ouart, conseiller justice de Nicolas Sarkozy, s’est resserré. Il a suivi au plus près les affaires signalées et veillé dans le détail à ce qu’aucune nomination ne vienne perturber la fluidité des communications entre les parquets et l’exécutif. Les procureurs généraux ont assuré le câblage entre les tribunaux et l’Elysée, gros débit et temps réel.

S’il faut parler d’effet de serres, ce sont celles de l’aigle exécutif qui se sont abattues sur les parquets, dits de la République, et qui sont devenus du gouvernement. A cet égard, l’abus d’enquêtes préliminaires initiées sous pression de l’Elysée constitue une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des opposants politiques, associatifs et syndicaux qui dérangent le puissant du moment.

L’affaire Julien Dray constitue le summum de la manipulation à laquelle s’est prêtée l’institution judiciaire. Ce député de l’opposition découvrait dans la presse les comptes rendus d’enquêtes le concernant préparés par les dizaines de policiers mobilisés. Une instruction n’a jamais été ouverte, ce qui lui a interdit l’accès au dossier pendant la durée de l’enquête. Après des mois de mise au pilori médiatique, le procureur de Paris a condescendu à lui communiquer le dossier le concernant. Le procureur a enfin utilisé contre lui la procédure d’alternative aux poursuites sous la forme d’un rappel à la loi, technique qui empêche la personne concernée de faire valoir ses arguments.

Ainsi le procureur, en livreur de l’Elysée, a fait déposer un gros caillou procédural dans les chaussures du parlementaire. Julien Dray redevable mais pas coupable, c’est ce qui risque de rester de cette manipulation froide du parquet au service du pouvoir. Quand les “Foucher” du parquet deviennent des instruments de manipulation la justice perd son âme.

L’affaire Clearstream-Villepin constitue tout autant un triste exemple des intrusions du pouvoir exécutif dans les enquêtes. Les mots terriblement insinuants et révélateurs de Nicolas Sarkozy parlant de “jugement des coupables” illustrent la pratique judiciaire d’un président de la République qui s’érige en grand juge de tout. Le syndrome de Saint Louis assimile alors la justice du chêne aux chaînes du pouvoir. Ces dérives signent le retour royal à la justice retenue de la part d’un président qui ne se retient pas d’intervenir dans les affaires.

Le contrôle des nominations participe aussi de la normalisation de la justice au sens soviétique du terme. Les membres des cabinets des trois derniers ministres de la justice occupent les postes de chef de parquets locaux et régionaux. Un Meccano est en construction dont le seul but est de permettre la nomination comme procureur de Paris d’un ami du président.

Le procureur général de Paris, ex-conseiller de Jacques Chirac à l’Elysée, ex-directeur de cabinet de deux ministres de la justice, deviendrait premier avocat général près de la Cour de cassation. Il laisserait sa place à Jean-Claude Marin, ex-directeur des affaires criminelles et des grâces quand démarrait l’affaire Villepin, et actuel procureur de Paris.

Ce dernier poste reviendrait à Philippe Courroye, l’ami, procureur des Hauts-de-Seine, du président de la République qui a classé l’affaire concernant son appartement de l’île de la Jatte. Il ne s’agit là que de la partie visible de l’iceberg des nominations. La justice devient froide comme un bras armé du pouvoir.

En cette période de glaciation judiciaire, le magistrat indépendant, se comportant en recours pour le citoyen, est une espèce en voie de disparition. Le pouvoir a su manier la soupe de la promotion et le collier de la dépendance, qui mettent sous pression ceux des magistrats qui tentent encore de faire simplement leur travail. Les primes au rendement, appelées en novlangue de management “primes au mérite” servent aux chefs de cours pour pousser au productivisme judiciaire. En quinze minutes, le jugement est finalisé, le prévenu est transformé en condamné, produit fini de tribunal.

Si, au moins, la justice faisait son travail face à l’explosion du nombre des gardes à vue (570 000 par an) voulue par le chef de l’Etat. Presque seuls, les syndicats de police ont eu le bon réflexe républicain en manifestant contre la culture du chiffre en matière pénale. Les parquets, censés vérifier le fondement des gardes à vue, ne les contrôlent que formellement faute de moyens. Leur multiplication aboutit à ce que des hommes et des femmes soient dénudés, enfermés derrières des grilles dans des locaux indignes.

Tout citoyen actif ou retraité, pauvre ou riche, jeune ou vieux peut être ainsi humilié dans une froide cellule sans savoir pourquoi. La haute hiérarchie judiciaire ne s’en émeut pas. A-t-on entendu une forte parole des chefs de la Cour de cassation sur ce sujet ? Non. Qu’est donc devenu le rôle de magistrat gardien des libertés publiques tel que le prévoit la Constitution ? Passé par pertes et profits du culte rendu au pouvoir. Pouvoir que les hauts dignitaires de la justice ont applaudi quand, lors de la rentrée solennelle de la Cour de cassation en 2009, le chef de l’Etat leur a annoncé la suppression du juge d’instruction indépendant.

Pour achever l’arasement des velléités d’indépendance et transformer la magistrature française en permafrost, le pouvoir a réformé le Conseil supérieur de la magistrature achevant ses tentatives répétées de déstabilisation des juges. Cet organe qui gère la discipline, les nominations et les promotions des magistrats, sera – cas unique en Europe – composé minoritairement de magistrats. Des membres, nommés discrétionnairement et sans aucune transparence par le président de la République et les présidents des Assemblées, y feront la pluie et le beau temps sur la vie professionnelle des magistrats. A l’avenir, combien de courageux magistrats oseront encore défendre le citoyen “de base” contre le pouvoir “d’en haut” ?

Ainsi s’achève l’année judiciaire 2009 qui a glacé les défenseurs de l’équilibre des pouvoirs. L’année judiciaire 2010 commence encore par un effet d’annonce du président de la République qui prétend améliorer l’accès des victimes à la justice alors qu’il les a sacrifiées sur l’autel de la nouvelle carte judiciaire et va les priver de juges d’instruction. Seule une prise de conscience collective permettra de sortir de cette régression démocratique.


Dominique Barella est ancien président de la formation parquet du Conseil supérieur de la magistrature, ancien président de l’Union syndicale des magistrats.

AP

Une mère de famille de 55 ans a été condamnée à trois ans de prison, dont deux ans ferme, mardi soir par le tribunal correctionnel du Puy-en-Velay (Haute-Loire), pour avoir maltraité et violenté ses six enfants pendant des années.

Le tribunal a aussi prononcé une obligation de soins et l’interdiction d’entrer en contact avec les victimes à l’encontre de la quinquagénaire, absente à son procès pour raison de santé. Elle devra également indemniser ses enfants. La justice a ordonné un mandat d’arrêt contre la mère de famille.

L’avocate de deux des filles, âgées de 21 et 25 ans, a souligné la “défaillance de l’école, du médecin de famille et des services sociaux” dans cette affaire qui a duré pendant de très nombreuses années, à Saint-Pierre-Eynac, une petite commune du Velay.

Selon l’accusation, la quinquagénaire qui privait de nourriture et de soins ses enfants, les humiliait, obligeant entre autres certains à frapper les autres, avait encore à sa charge la petite dernière, âgée de 11 ans.

“On ne faisait pas savoir que nous étions maltraitées, mais ça se voyait”, a déclaré une des jeunes femmes à l’audience, évoquant la tête rasée, la tenue vestimentaire négligée et la maigreur qui les caractérisaient et les marginalisaient à l’école. AP

AP

Le procès en appel de quatre personnes condamnées en 2007 à des peines de 2 à 15 ans de réclusion devant les assises de Seine-Saint-Denis pour le meurtre de Jean-Claude Irvoas, battu à mort le 27 octobre 2005 à Epinay-sur-Seine alors qu’il photographiait un lampadaire dans un quartier sensible, a débuté mardi matin à Paris.

“Les parties civiles n’avaient pas fait appel et elles vivent ce procès comme une épreuve. Mais c’était un droit du parquet général”, a précisé Me Frédéric Champagne, avocat de la famille Irvoas pour qui “ce drame est d’une incroyable gratuité” car “la victime ne demandait rien à personne”.

En première instance, Benoît Kusonika, 27 ans, le seul qui a reconnu avoir frappé Jean-Claude Irvoas, a écopé de 15 ans de prison, la plus lourde peine pour un vol suivi de violences ayant entraîné la mort. Samba Diallo, 27 ans, et Icheme Brighet, 24 ans, ont été condamnés à 12 ans de prison. Sébastien Béliny, 23 ans, reconnu coupable de complicité, a écopé de deux ans ferme.

Consultant pour l’entreprise havraise ETI, qui fabrique des lampadaires antivandalisme, M. Irvoas, 56 ans, prenait des photos d’un lampadaire lorsqu’il a été agressé par trois personnes, dont un vendait de la résine de cannabis. Ils voulaient lui prendre son appareil photo, pensant être sur les clichés.

Au terme d’une brève altercation, le quinquagénaire tombait lourdement au sol et les agresseurs prenaient la fuite. Transporté à l’hôpital dans un état critique avec un traumatisme crânien, il décédait dans la soirée.

Une caméra de vidéosurveillance du quartier a enregistré l’agression qui aurait duré 90 secondes. Elle semble incompatible avec l’autopsie du médecin-légiste. Un seul coup violent semble avoir été donné par M. Kusonika alors que l’intervention des deux autres auraient servi à récupérer l’appareil photo. Les lésions multiples de la victime, décrites par le légiste, restent cependant inexpliquées.

Le procès doit se dérouler jusqu’à vendredi. AP

Dans la tragédie de l’exécution le 29 décembre dernier du Britannique Akmal Shaikh, – premier Occidental exécuté en Chine depuis 50 ans -, on retrouve tous les paradoxes de la peine de mort et du combat pour son abolition.

akmal-shaikh_inlineEnjeu national jusque dans les années 90, l’abolition de la peine de mort est devenue une revendication internationale dans les années 2000. Elevée au rang de violation des libertés fondamentales – et plus particulièrement du droit à la vie et à une justice équitable, la peine de mort reste aujourd’hui une question éminemment politique, plus peut-être que tout autre violation des droits humains. La peine de mort n’est pas qu’une violation des droits de l’homme. Elle doit surtout être considérée comme un acte politique, comme l’apanage des Etats qui prétendent exercer une souveraineté entendue abusivement comme la raison d’Etat : aux côtés de théocraties comme l’Iran ou le Yemen, d’Etats ayant conservé une conception vengeresse de la justice pénale comme les Etats-Unis, la Chine est la triste championne du monde de son application. Depuis que la plupart des démocraties dans le monde y ont renoncé, à l’exception principale des Etats-Unis et du Japon, sa nature politique apparaît avec une grande clarté.

La Chine applique la peine de mort en violation de normes internationales récentes (à l’échelle de l’histoire) comme le Protocole n°2 du Pacte international des droits civils et politiques de l’ONU, ratifié à ce jour par 72 Etats dans le monde, ou l’Appel à un moratoire universel des exécutions demandé par 106 Etats lors de l’Assemblée générale des Nations unies en décembre 2008. Le droit international est aujourd’hui clair : il enjoint les Etats à abolir la peine de mort ou à en multiplier les conditions d’application pour en rendre son exécution rarissime. La Chine ne prend pas ce chemin.

Des milliers d’exécutions ont lieu chaque année en Chine même si leur rythme devrait avoir sensiblement baissé (l’absence de transparence de la justice pénale chinoise nous oblige à employer le conditionnel) depuis qu’une réforme pénale est venue subordonner toute application d’une condamnation à mort à une révision par la Cour suprême à Pékin.

Akmal Shaikh a-t-il eu droit à un procès équitable ?  A-t-il eu un avocat ? A-t-il eu accès à un traducteur ? Au-delà de ces manquements à un procès équitable (manquements consubstantiels à la justice de tous les pays qui appliquent la peine capitale) et parmi les circonstances les plus choquantes de cette exécution, il y a le fait que, selon ses défenseurs britanniques, Akmal Shaikh souffrait d’insuffisance mentale. Certes, les Etats-Unis eux-mêmes n’ont accepté que très récemment (par une décision de la Cour suprême en 2002) de prendre en compte la déficience mentale d’un accusé comme une circonstance atténuante. En l’espèce, Akmal Shaikh a manifestement été abusé dans sa faiblesse en transportant – en toute inconscience –  4kg d’héroïne lorsqu’il fut arrêté. Rappelons que la Chine est engagée depuis des décennies dans une politique particulièrement dure, cruelle, contre le trafic de drogue : chaque année, le 26 juin, la Journée internationale contre l’abus et le trafic illicite de drogues est « saluée » par des dizaines d’exécutions fortement médiatisées en Chine.

Certes, la Chine n’est pas un pays aussi monolithique qu’une théocratie comme l’Iran. On peut se dire en Chine ouvertement contre la peine de mort dans son principe. Robert Badinter, père de l’abolition en France, a effectué une tournée de conférences en Chine en 2007. Nous avons même entendu des Chinois s’exprimer ouvertement contre la peine de mort : le 3ème Congrès mondial contre la peine de mort a reçu à Paris en février 2007 trois militants abolitionnistes chinois. En coulisses, certains dirigeants ou intellectuels chinois, notamment parmi les générations montantes, reconnaissent que la Chine pourrait un jour abolir la peine de mort.

Et pourtant, ce que nous dit surtout l’exécution presque sommaire d’Akmal Shaikh, c’est que la peine de mort est une signature, un acte politique. Répondant aux protestations internationales, la Chine a voulu clairement affirmer sa puissance et une autorité que nul ne saurait contester. En Chine, la vie ne compte pas lorsque les dirigeants chinois décident d’appliquer la (prétendue) raison d’Etat. La Chine est un des derniers pays au monde à revendiquer la légitimité de la peine de mort comme arme légale dans la mise en œuvre de ses politiques publiques. Elle n’est pas employée que dans la lutte contre la drogue : on a aussi vu des dirigeants de sociétés ou de provinces exécutés pour corruption économique. On ne l’a pas assez dit, mais la préparation des JO de Pékin et son cortège d’expropriations ont certainement entraîné des arrestations arbitraires et un durcissement de la justice par « souci de nettoyage » de la ville.

A l’aune de l’exécution scandaleuse d’Akmal Shaikh, – et à deux mois du 4ème Congrès mondial contre la peine de mort qui se tiendra aux Nations unies à Genève avec le soutien des autorités suisses, il est temps que les abolitionnistes du monde entier mesurent les enjeux politiques de la peine de mort et ne s’en tiennent pas qu’à un discours humaniste, certes nécessaire mais point suffisant pour éradiquer la planète de la peine capitale.

Si l’on veut lutter contre la peine de mort dans un pays comme la Chine, il faut dialoguer (toujours le dialogue) avec les Chinois. Il faut expliquer à nos amis chinois que le sens de l’histoire, c’est l’abolition (à ce jour, 133 pays ont aboli la peine de mort ou renoncé à l’appliquer depuis plus de dix ans, et plus de 50 pays l’ont abolie pour tous les crimes depuis 1990). Il faut rappeler que la peine de mort n’est jamais dissuasive, que le risque de l’erreur judiciaire devrait interdire toute exécution, que les pleurs d’une mère ou d’un proche d’un condamné sont les mêmes à Pékin, à Dallas ou à Téhéran.

Mais surtout, il faut toujours garder en tête cette perspective que seul un changement de régime ou une démocratisation poussée pourra déboucher sur une renonciation à la peine de mort. Particulièrement en Chine et dans les pays autoritaires qui continuent de croire en une justice qui tue.

Par Michel Taube co-fondateur de Toogezer, le magazine de la Terre & des Hommes, et d’Ensemble contre la peine de mort

Divertissement01234 (17 votes)

Douze hommes en colère

  • Genre : Spectacle
  • Tous publics

Résumé :

Les douze jurés du procès d’un adolescent noir de 16 ans, accusé d’avoir poignardé son père, sont enfermés dans une pièce le temps des délibérations. Si ces hommes rendent le verdict «coupable», plus rien ne s’opposera à la peine de mort. Et tout accuse le suspect : la voisine d’en face l’a vu, le vieil homme du dessous l’a entendu, un commerçant lui a vendu, le soir du meurtre, le couteau qu’on a retrouvé dans le corps de son père. Pourtant, lors du vote qui doit décider du verdict final, un juré ne lève pas la main pour désigner le jeune accusé coupable, car il n’est pas sûr de sa culpabilité. L’unanimité étant requise, un long débat s’annonce. Au cours des discussions, chacun adopte une position qui ne cesse de changer au rythme des arguments fournis.

Casting :

Critique :
A contre-emploi, Michel Leeb mène tambour battant ce huis-clos haletant. Prenant, ce thriller, écrit par Reginald Rose en 1953 et adaptée au cinéma par Sidney Lumet en 1957, est incroyablement contemporain. Rachel Letellier + Uriell Ceillier

Chaque jour ou presque, les tribunaux jugent en urgence des personnes qui sortent de garde à vue. Pour les défendre, souvent de jeunes avocats sont commis d’office.

  • Chaque jour ou presque, les tribunaux jugent en urgence des personnes qui sortent de garde à vue.
Nantes. Un lundi dans les geôles du Palais de justice. Dans un petit bureau gris, Didier attend. Il sort de garde à vue. Il encourt sept ans d’emprisonnement. Dans un quart d’heure, il sera jugé par le tribunal correctionnel pour avoir, le samedi précédent, frappé sa femme enceinte de huit mois. Déjà condamné pour des vols, il risque de filer immédiatement en prison. Lors des comparutions immédiates, on croise surtout des récidivistes qui ont commis des faits graves. Elles se soldent la plupart du temps par une incarcération.Eléonore Laigre est avocate de permanence cette semaine-là. Prévenue la veille au soir, elle doit assurer la défense de Didier. Dans les geôles du tribunal, elle reprend rapidement les faits avec lui, s’efforce de trouver un début d’explication. « Vous avez envoyé votre femme distribuer des prospectus avant de la frapper parce qu’elle n’allait pas assez vite. Comment avez-vous pu ? » En guise de réponse, seulement des regrets. Me Laigre ne lâche pas son client des yeux, le presse de questions… En vain. L’affaire s’annonce complexe. Didier a le droit à un délai pour préparer sa défense comme tous les prévenus en comparution immédiate. Il refuse. A trop peur de rester en prison le temps d’être jugé. Son avocate le regrette, elle aurait bien demandé une expertise psychiatrique.

« Sa vie en un quart d’heure »

À l’audience, le tribunal n’en sait guère plus sur la violence de cet homme. « Dangereux », tranche le procureur. Didier est condamné à un an dont quatre mois ferme avec mise à l’épreuve. Me Laigre s’agace : « Il a passé deux jours en garde à vue et on lui demande d’avoir réfléchi sur ses actes. Si on veut des explications, on ne choisit pas la comparution immédiate. »

15 h. Autre avocate de permanence, Me Emmanuelle Poulard jongle entre ses différents rendez-vous et sort tout juste d’une audience aux affaires familiales. Prévenue à midi, elle ignore encore tout des faits reprochés à l’homme qu’elle doit défendre. Dans un couloir du palais, le substitut du procureur vient de lui remettre la procédure. Le casier judiciaire de Charles et les procès-verbaux de sa garde à vue.

« Ca s’annonce moyennement bien. Il a donné trois coups de couteau à son beau-frère ». Déjà condamné pour des violences, neuf mentions au casier, beaucoup d’alcool. « Ah, il vient de signer un CDI. C’est un bon point pour éviter la prison et proposer un aménagement de peine » Dans les geôles, elle rencontre son client, fatigué par la garde à vue, pas douché, le nez cassé et le pantalon taché de sang. Il raconte, peu bavard, la bagarre, les verres de whisky. Les bras croisés, nerveux, Charles ne pense pas avoir besoin d’un suivi pour l’alcool. Il concède : « Bon un suivi, si ça peut jouer en ma faveur. » Il doit être jugé seulement le lendemain et s’inquiète pour son travail. D’ici là, il comparaît devant le juge des libertés et de la détention qui décide de l’envoyer dormir en prison. Me Poulard regrette l’insuffisance des explications fournies par son client. L’enquête sociale rapide, réalisée par un travailleur social avant le procès, ne l’éclaire pas davantage. « C’est difficile, je lui demande de raconter sa vie en un quart d’heure alors qu’il ne me connaît pas », déplore l’avocate. Avec les comparutions immédiates, le législateur a voulu sanctionner plus rapidement des récidivistes comme Charles. Et éviter ainsi un nouveau passage à l’acte. « Mauvaise justice », affirme Me Laigre. « Les peines sont parfois lourdes. Et on a moins de temps qu’avec une simple affaire sanctionnée par une amende », regrette aussi Me Poulard. Charles, son client vient d’être condamné à la peine plancher. Deux ans dont six mois avec sursis.

Marylise COURAUD.

lundi 04 janvier 2010

    • Chaque jour ou presque, les tribunaux jugent en urgence des personnes qui sortent de garde à vue.