Selon Sophie Dechaumet, “la mort de cette femme aurait pu être évitée. Le juge des libertés et de la détention avait des éléments probants entre les mains”, et la place de cet homme “qui avait violé sa femme durant 15 ans dans des conditions atroces” était en détention provisoire. L’action engagée contre l’Etat pour “dysfonctionnement de la justice par faute lourde” vise la décision rendue en juin 2007 par une juge des libertés et de la détention (JLD) du Tribunal de Grande Instance de Poitiers. Contre l’avis du parquet, qui avait alors fait appel, cette magistrate avait décidé de ne pas placer en détention provisoire cet homme dont l’épouse avait porté plainte contre lui pour des viols et des tortures commis depuis des années.
Laissé libre sous contrôle judiciaire, l’homme de 43 ans avait tué son épouse peu après, le 19 juin, jour où l’appel du parquet devait être examiné. Après l’avoir attendue toute la nuit dans une voiture, il l’avait tuée de douze balles de carabine à la sortie de son hôtel à Vannes (Morbihan), où elle se trouvait en déplacement professionnel, avant de retourner l’arme contre lui et de se suicider.
(Nouvelobs.com)
Le parquet de Paris a estimé mercredi que l’Etat français ne pouvait être tenu pour responsable du meurtre d’une femme tuée à l’été 2007 par son mari laissé en liberté, alors qu’il était mis en examen pour des viols à son encontre, car son geste n’était pas prévisible. “Les conditions de la faute lourde ne sont pas remplies”, a estimé la procureure Pauline Caby devant le tribunal de grande instance de Paris. Elle a souligné qu’il n’était “pas possible d’examiner a posteriori la décision du juge des libertés et de la détention au vu d’événements qui étaient imprévisibles”. Le jugement a été mis en délibéré au 4 novembre.
C’est la soeur de la victime qui avait assigné l’Etat pour faute lourde, dans un espoir “de reconnaissance et non d’indemnisation”, a-t-elle expliqué à l’AFP avant l’audience. “Nous sommes bien au-delà d’une simple erreur d’appréciation” du JLD de Poitiers qui avait décidé la remise en liberté du mari de la victime, a plaidé l’avocate de la plaignante Me Sophie Dechaumet. “Le passage à l’acte était prévisible”, a-t-elle tenté de démontrer en listant les éléments qui, selon elle, auraient dû conduire au placement en détention provisoire du mari en raison de sa dangerosité potentielle. Elle a notamment mentionné des “troubles psychologiques et psychiatriques”, des menaces de mort formulées envers sa femme, ainsi que les viols avec actes de torture qu’il avait reconnus lui avoir fait subir durant des années, et pour lesquels il avait été mis en examen.
A la suite à cette mise en examen, l’homme avait été placé sous contrôle judiciaire contre l’avis du parquet, qui avait requis un placement en détention provisoire, et avait fait appel de la décision du JLD. Le 19 juin, jour où l’appel du parquet devait être examiné, l’homme de 43 ans avait tué son épouse de douze balles de carabine à la sortie d’un hôtel de Vannes (Morbihan), avant de retourner l’arme contre lui et de se suicider. La décision du JLD était “conforme à la loi et l’esprit de la loi”, selon la procureure qui a relevé que le mari “était domicilié, (…) n’avait jamais été condamné et n’avait jamais fait parlé de lui”.
Me Véronique Jobin, qui défendait les intérêts financiers du ministère de la Justice, a observé que les menaces de mort remontaient à 2004 et n’avaient pas été réitérées au moment de la mise en examen. “Les menaces dans le cadre de séparations difficiles sont fréquentes et s’il fallait incarcérer à chaque fois, ça viderait le principe de détention provisoire de sa substance”, a observé la procureure, ajoutant que “l’acte de juger comporte un aléa et un risque”.