Patrick Keil, le juge français qui avait instruit avec succès une enquête judiciaire sur un trafic de produits dopants sur le Tour de France en 1998, a été révoqué de la magistrature, a-t-on appris au cabinet de la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie.
“La ministre a prononcé la révocation de ce magistrat avec maintien de ses droits à pension”, a dit le porte-parole adjoint du ministère, Arthur Dreyfuss.
Le magistrat est sanctionné pour une affaire de corruption présumée qui lui valu une arrestation à l’été 2008, à Montpellier, où il était en poste au parquet. Un dentiste en délicatesse avec la justice lui aurait versé plusieurs milliers d’euros en échange d’informations.
La garde des Sceaux a suivi l’avis du Conseil supérieur de la magistrature rendu mardi dernier.
Patrick Keil avait conduit en 1998 et 1999 l’enquête sur l’équipe cycliste Festina, qui a marqué le début d’une longue série d’affaires de dopage sur le Tour de France.
Commencée par l’arrestation à un contrôle douanier d’un “masseur” de l’équipe Festina en possession d’importantes quantités de produits dopants, la procédure avait perturbé l’épreuve, surnommée par la presse “Tour de la honte”, rythmée par les descentes de police et les défections de coureurs.
Le dossier avait abouti à un procès à Lille en 2000 où avait été reconnue pour la première fois la généralisation du dopage et où le champion français Richard Virenque avait pour la première fois avoué avoir pris des produits interdits.
Dans un entretien au Monde publié jeudi, Patrick Keil, délivré de son obligation de réserve, a raconté avoir subi des pressions sur cette affaire relative à l’une des épreuves sportives les plus lucratives au monde.
Il affirme que le président du tribunal de Lille lui aurait dit : “Vous êtes indépendant, mais pensez à votre carrière. Virenque, on en parlera encore pendant de longues années”.
Il a aussi raconté avoir subi des contrôles et des pressions pour ralentir son instruction au moment de l’épreuve. “Il fallait que le Tour aille au bout”, a-t-il dit.
L’Italien Marco Pantani a remporté l’épreuve et est mort ensuite en 2004 d’une surdose de drogue.
Ensuite, a déclaré le magistrat au Monde, des pressions ont été exercées pour que l’enquête soit bouclée au plus vite, afin de ne pas perturber le Tour suivant, qui fut baptisée “Tour du renouveau” par les organisateurs.
Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse