Xavier Beneroso

C’est l’histoire sans fin d’une « longue peine ». Abdelhamid Hakkar, 53 ans, écroué depuis le 2 septembre 1984 pour un vol à main armée et le meurtre d’un policier, collectionne un triste record. Il a passé un quart de siècle entre quatre murs. Embastillé actuellement à Ensisheim, près de Mulhouse, il n’aperçoit toujours pas le moindre signe de libération conditionnelle. Ce détenu, célibataire sans enfants, semble condamné à vie. Un cas rarissime, même pour les « perpétuités » qui finissent toujours par voir s’ouvrir, un jour, les portes de la prison. Aujourd’hui, Hakkar livre son ultime combat judiciaire. Le détenu est sceptique. Comme il l’écrit, le 11 mai dernier, dans une lettre à son avocate, Me Marie-Alix Canu-Bernard : « Je m’épuise à la longue tel le mustang qui tourne perpétuellement en rond dans son enclos et qu’on prive de toute perspective de liberté. » « Qu’est-ce qu’on lui fait payer ? » s’énerve son conseil. Et de préciser le déroulé de son marathon carcéral.

En vingt-cinq années d’emprisonnement, Hakkar a connu près de 45 transferts entre les différents établissements français. Il a été placé au total douze ans à l’isolement – ce qui a valu à la pénitentiaire d’être condamnée par le tribunal administratif. Sans oublier le « mitard », les quartiers disciplinaires, qu’il a fréquentés durant quinze mois. Le paradoxe réside surtout dans le fait que, théoriquement, Abdelhamid Hakkar peut prétendre à la libération conditionnelle depuis maintenant près de neuf ans. Le terme de sa période de sûreté, fixée à seize ans de détention, est écoulé. De manière logique, Hakkar pouvait espérer… Mais le parcours vers la liberté de cette « longue peine » se heurte à un mur.

« La guillotine ? Chiche ! »

Le 31 janvier 2006, Hakkar avait écrit à Pascal Clément, le garde des Sceaux de l’époque. Une missive au vitriol. « Vos centrales sont devenues des annexes des hôpitaux psychiatriques (…) au point de nous amener à vivre au quotidien un remake de Vol au-dessus d’un nid de coucou. On voudrait faire perdre la raison à ceux d’entre nous qui ne l’auraient pas encore perdue qu’on ne n’y prendrait pas autrement. » En guise de conclusion, Hakkar lançait un défi désespéré à l’adresse du ministre. « A choisir la mort lente  que vous m’avez programmée, c’est moi qui vous prends au mot. Chiche : revenez ici avec la guillotine, moi je m’y présenterai. Je ne me résigne pas à mon sort d’enterré vif. » Changement de tête Place Vendôme. Le 9 décembre 2008, Rachida Dati répond à Jack Lang qui s’est mobilisé pour le détenu. La ministre de la Justice botte en touche : « M. Adbelhamid Hakkar n’a fait l’objet d’aucun acharnement judiciaire. » Voire…

Une justice autiste

Cela fait près de quinze ans que le divorce entre la magistrature et le détenu vindicatif a débuté. Le 15 décembre 1995, le Conseil des ministres du Conseil de L’Europe a condamné l’Etat français, considérant que M. Hakkar n’avait pas été jugé dans un délai raisonnable et que surtout, n’ayant pas bénéficié de l’assistance d’un avocat, son procès était inéquitable. Une gifle pour les institutions françaises. La justice a dû à nouveau juger le tueur de policier qui n’a jamais reconnu son crime. Cette victoire, Hakkar la doit d’abord à lui-même. « Qu’est-ce qu’on cherche à lui faire payer, le fait qu’il soit devenu en prison un éminent juriste ? » s’agace une nouvelle fois Me Marie-Alix Canu-Bernard. L’interrogation est justifiée. Car, après avoir infligé un camouflet à la justice française, Hakkar le procédurier a perdu systématiquement son combat pour sa liberté devant les juridictions. A Tarbes en 2006, à Pau en janvier 2007, à Bordeaux en juillet 2008 ; et cette semaine à Toulouse l’avocate a bataillé sans relâche. Une affaire de principe.

« Depuis dix ans, je n’ai pas pris d’honoraires sur ce dossier », glisse-t-elle. Hakkar, lui, cherche à convaincre qu’il possède désormais le profil idéal pour une prochaine réinsertion. Il n’est plus considéré comme un détenu particulièrement signalé depuis 1999. Il rencontre régulièrement un psychologue, possède une attestation d’hébergement, une attestation d’embauche précisant qu’il est détenteur d’un CAP de sollier-moquettiste, un métier du bâtiment. Au bout de plus de deux décennies, la justice va-t-elle entendre Hakkar ? Lui continue d’y croire. Un peu. Juste un peu. Et de citer Alphonse Allais : « Un homme qui sait se rendre heureux avec une simple illusion est infiniment plus malin que celui qui se désespère avec la réalité. »


Xavier Beneroso

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Jean de Maillard est le vice-président du tribunal de grande instance d’Orléans. La suppression annoncée du juge d’instruction, il la voit d’un très mauvais œil. Pour ce magistrat en poste depuis vingt-sept ans, spécialisé dans la grande criminalité financière, cela annonce la fin de l’indépendance des magistrats commencée sous la gauche et achevée sous la droite. Entretien avec un juge sans concession.

FRANCE-SOIR. Que pensez-vous de l’autonomie de l’enquête revendiquée par la garde des Sceaux ?
JEAN DE MAILLARD. Michèle Alliot-Marie
fait un beau discours qui est émouvant sur le plan du respect de la Justice. Mais en réalité, la garde des Sceaux n’offre aucune garantie. Les magistrats du parquet sont soumis à leur autorité hiérarchique. Ils n’ont pas de statut d’indépendance. Aujourd’hui, pour la plus petite des affaires, le procureur ne prend plus d’initiative. C’est un processus de reprise en main qui a été enclenché lorsqu’Elisabeth Guiguou était Place Vendôme, sous la gauche (entre 1997 et 2000, Mme Guigou a été ministre de la Justice du gouvernement Jospin). Ce verrouillage a été fait de manière très habile… Il faut bien comprendre que les chefs de juridiction doivent passer un examen de bonne conduite tous les sept ans. Si, au bout de cette période, ils n’ont pas tenu leurs juges, ils sont mis sur la touche ! Alors…

Comment au quotidien se passent les relations entre les procureurs et leur hiérarchie en lien avec la Chancellerie ?
Aujourd’hui, les procureurs sont « caporalisés ». Sous surveillance. Ils sont obligés de rendre compte en permanence. Et les instructions sont toujours données par oral. Personne ne le voit, même pas la journaliste. Les procureurs passent leur temps au téléphone… Ils vont chercher les ordres. C’est cela qui a changé aujourd’hui. A mon avis, exception faite d’Eric de Mongolfier (NDLR : procureur au tribunal de grande instance de Nice), il y a peu de procureurs indépendants. Les parquetiers ne sont que des exécutants, des gratte-papier aux ordres !

Comment en est-on arrivé à cette situation ?
J’avoue ne pas comprendre très bien pourquoi le chef de l’Etat veut supprimer le juge d’instruction et confier les enquêtes uniquement au parquet. Le juge d’instruction était le magistrat le plus surveillé de France. Pourquoi faire tout ce cinéma ? Tous les gouvernements successifs avaient réussi à étouffer, à garrotter le juge d’instruction. Il était en état de mort clinique. Il n’avait plus de pouvoir, plus de moyens. Une situation favorable pour le personnel politique. En plus, si le juge d’instruction était bête, paresseux, ou carriériste… Le pouvoir savait que le dossier « sensible » ne sortirait jamais…

Que craignez-vous aujourd’hui ?
Que les parquets étouffent les affaires ! Prenez le dossier de Julien Dray (NDLR : M. Dray fait l’objet d’une enquête préliminaire pour abus de confiance par le parquet de Paris depuis le 10 décembre). Vous avez là une affaire dont l’enquête et la décision finale seront forcément politiques. Soit on a affaire à un montage et le député socialiste sera blanchi. Soit il sera renvoyé devant un tribunal. Mais pour le moment la situation est la suivante : personne ne sait si les charges sont fondées ou non, et Julien Dray ne peut même pas se défendre !

Quelle serait votre solution ?
Je n’ai pas changé de point de vue depuis vingt ans. Depuis la commission Delmas Marty qui préconisait un système à l’italienne. On a déporté les pouvoirs du juge d’instruction vers le parquet qui est réellement indépendant. Le chef de l’enquête n’a de compte à rendre. Mais ce n’est pas ce qui se passera en France…


Comme Marc Trévidic, les juges d’instruction refusent de mourir

Reuters Thierry Lévêque

Le magistrat Marc Trévidic a marqué le refus des juges d’instruction français d’accepter la suppression de leur fonction en relançant des affaires comme celles des moines de Tibéhirine ou de l’attentat de Karachi. 

Ce magistrat de 42 ans a ouvert dans ces dossiers des pistes embarrassantes pour l’Etat français, soupçonné d’avoir connu des suspects ou les scénarios d’attentats, sans les rendre publics pour protéger ses liens diplomatiques ou ses intérêts.

Nicolas Sarkozy a annoncé en janvier dernier la suppression de la fonction de juge d’instruction, magistrat indépendant par son statut. Il doit être remplacé pour toutes les enquêtes par les procureurs, nommés sur décret du président de la République.

Le juge Marc Trévidic s’oppose publiquement à cette réforme. Il a participé avec d’autres magistrats à un rassemblement de protestation en début d’année.

“Ces affaires montrent que le juge d’instruction est indispensable. Il faut des juges d’instruction pour que les affaires d’Etat puissent être instruites sans pressions”, a dit à Reuters Emmanuelle Perreux, présidente du Syndicat de la magistrature, classé à gauche.

Marc Trévidic a repris en juin 2006 d’importants dossiers instruits auparavant par un autre juge d’instruction, Jean-Louis Bruguière, qui a quitté ses fonctions pour se présenter sous l’étiquette de l’UMP aux législatives de 2007, sans succès.

Réputé connaisseur des affaires depuis son passage à la section antiterroriste du parquet en 2000-2003, Marc Trévidic n’a fait qu’approfondir des éléments jamais exploités.

RAISON D’ÉTAT

Ainsi, dans le dossier de l’attentat contre une synagogue parisienne de la rue Copernic, qui avait fait quatre morts en 1980, il a fait arrêter au Canada en novembre 2008 un enseignant en sociologie d’origine palestinienne, Hassan Diab.

Suspecté d’être membre d’un groupe armé palestinien ayant revendiqué l’attentat, le FPLP-OS, son nom figurait dans le dossier depuis 1999 mais il aurait été épargné en raison de réticences de certaines branches des services secrets français, estime une source judiciaire française.

Dans l’affaire de l’attentat de Karachi, qui a fait 14 victimes dont 11 employés français de la Direction des constructions navales en mai 2002, le juge Trévidic a dit aux victimes le 18 juin qu’il considérait comme “logique” la piste d’une action commanditée par des militaires pakistanais.

Ils auraient voulu punir la France de l’arrêt du paiement de commissions occultes sur des contrats d’armement. En partie redirigé vers Paris, l’argent aurait financé la campagne présidentielle de 1995 d’Edouard Balladur, que soutenait Nicolas Sarkozy, selon des dépositions et documents du dossier.

Là encore, la piste figurait dans certaines dépositions recueillies dès l’origine, mais elle n’a jamais été approfondie.

Le juge Trévidic a demandé la levée du secret défense dans ce dossier.

Il pourrait faire de même dans l’affaire de l’assassinat en 1996 de sept moines français en Algérie. La déposition d’un général français ouvre la piste d’une “bavure” de l’armée algérienne, scénario connu dès l’origine par la Défense et l’ambassade de France à Alger, mais caché, a dit le témoin.

“On n’imagine pas un magistrat du parquet mener des investigations aussi approfondies concernant d’aussi près l’Etat”, a dit à Reuters Christophe Régnard, président de l’Union syndicale des magistrats (majoritaire).

“Il faut que le système assure la possibilité à des juges qui veulent faire leur travail de pouvoir le faire”, dit-il.

Les syndicats s’appuieront sur ces exemples pour combattre la suppression du juge d’instruction et un autre projet restreignant l’accès des juges aux lieux et documents classés secret défense, qui doit être examiné au Sénat en juillet.

Edité par Yves Clarisse

De Olga NEDBAEVA –

MOSCOU (AFP) — Le président russe Dmitri Medvedev a répondu dimanche aux critiques occidentaux du procès de l’ex-magnat du pétrole Mikhaïl Khodorkovski en le comparant avec l’affaire Madoff et laissant entendre qu’il ne serait pas gracié s’il ne reconnaissait pas sa culpabilité.

“Il n’y a rien à discuter à ce jour”, a tranché le chef de l’Etat interrogé par des journalistes italiens sur le sort du prisonnier le plus célèbre de Russie à la veille d’une visite en Russie du président américain Barack Obama et d’un sommet du G8.

“Concernant une grâce pour Khodorkovski ou toute autre personne, cette procédure doit être menée telle que définie par les lois de notre pays”, a déclaré M. Medvedev dans un entretien à des médias italiens publié dimanche par le service de presse du Kremlin.

“En d’autres termes, la personne en question doit s’adresser au président, reconnaître sa culpabilité et faire une demande pour qu’une telle décision soit prise en compte”, a-t-il poursuivi.

L’ex-chef du groupe pétrolier russe Ioukos, déjà condamné en 2005 à huit ans de prison pour escroquerie à grande échelle et évasion fiscale, comparaît de nouveau depuis le 3 mars devant un tribunal à Moscou pour détournement et revente illégale de pétrole.

Il plaide non-coupable qualifiant ce procès dans lequel il encourt plus de 20 ans de prison de farce judicaire et politique.

Ses partisans considèrent que ce procès est motivé par des considérations politiques, visant à éloigner indéfiniment Mikhaïl Khodorkovski, âgé de 46 ans et féroce opposant au Premier ministre Vladimir Poutine, de la scène politique russe.

Les avocats et la famille de M. Khodorkovski présentent le nouveau procès comme un test pour Dmitri Medvedev considéré comme plus libéral que son prédécesseur et défenseur de l’indépendance de justice.

Le président russe met de son côté en parallèle le procès Khodorkovski avec l’affaire du financier américain Bernard Madoff, auteur de l’une des plus gigantesques escroqueries de tous les temps condamné le 29 juin à 150 ans de prison par un tribunal de New York.

“Regardez les affaires judiciaires dans d’autres pays. C’est très sérieux. Certains hommes d’affaires sont condamnés à des peines très lourdes, 150 ans aux Etats-Unis”, a-t-il déclaré dans l’interview.

“Et disons que cela ne dérange personne”, s’est-il emporté.

“Dans le monde entier le business peut avoir des ennuis (…) et être puni pénalement. Il ne faut pas sortir du contexte telle ou telle affaire”, a-t-il poursuivi.

Il a également démenti le caractère politique de l’affaire Khodorkovski.

“Khodorkovski et d’autres hommes d’affaires dans notre pays ont été condamnés par décision de justice. Il ne s’agit pas d’un geste politique, mais de la décision d’un tribunal et elle doit être respectée”, a-t-il lancé.

Des défenseurs des droits de l’Hommes et d’autres personnalités ayant assisté à des audiences du nouveau procès de Mikhaïl Khodorkovski se sont dits jeudi scandalisés par son iniquité, exigeant son “arrêt immédiat”.

“Les nouvelles accusations contre Khodorkovski sont des chefs-d’oeuvre d’absurdité juridique, un rappel de la manière stalinienne d’intimider la société”, ont-il noté dans un texte commun signé notamment par l’écrivain Boris Akounine, le prix Nobel de physique Vitali Guinzbourg, l’ancien champion du monde d’échecs Garry Kasparov ou le dissident soviétique Sergueï Kovalev.

Copyright © 2009 AFP. Tous droits réservés

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=dm_vmkb4Ca0&feature=related[/youtube]

Le Dr Daniel Cosculluela, psychiatre de Bergerac qui pratiquait l’hypnose, a été condamné pour les viols de quatre patientes entre 1989 et 1996.

Le Dr Daniel Cosculluela dans son cabinet, le 25 juin 2009 (Sipa)

Le Dr Daniel Cosculluela dans son cabinet, le 25 juin 2009 (Sipa)

Le psychiatre de Bergerac accusé de viols par quatre de ses anciennes patientes, a été condamné samedi 4 juillet à 12 ans de réclusion criminelle assortie d’une interdiction définitive d’exercer.
Les jurés de la cour d’assises de la Dordogne ont reconnu que les quatre plaignantes, qui avaient porté plainte pour des faits situés entre 1989 et 1996, ont été violées mais n’ont accordé la circonstance aggravante de “vulnérabilité” que pour l’une d’entre elles.
Un mandat de dépôt a été délivré à l’audience contre le Dr Daniel Cosculluela, âgé de 52 ans, qui comparaissait libre.

Etat de dépendance

L’avocat général, Jean-Luc Gadaud, mettant en avant “la gravité des faits et la certitude qu’il faut l’empêcher de nuire”, avait demandé “15 ans de réclusion assortis de l’interdiction d’exercer son activité professionnelle”.
Le Dr Cosculluela, un psychiatre pratiquant l’hypnose, avait rejeté au cours du procès les accusations portées contre lui, niant formellement avoir eu des relations sexuelles avec les plaignantes.
Jugé depuis lundi devant la cour d’assises de la Dordogne pour viol et viol sur personne vulnérable, il était accusé d’avoir placé, “par des pratiques inhabituelles”, ses patientes en “état de dépendance susceptible d’altérer leur volonté” afin de leur imposer des relations sexuelles.

(Nouvelobs.com)

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Sur Internet

NOUVELOBS.COM | 05.07.2009 | 14:44

La réforme souhaitée par Nicolas Sarkozy prévoit de confier les enquêtes au seul parquet, subordonné hiérarchiquement à la chancellerie. “Enterrer des affaires, je ne vois pas pourquoi et je ne vois pas surtout comment”, a affirmé la ministre de la Justice.

Michèle Alliot-Marie, Ministre de la Justice (sipa)

Michèle Alliot-Marie, Ministre de la Justice (sipa)

La ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie a promis dimanche 5 juillet “une autonomie de l’enquête” après la suppression du juge d’instruction, souhaitée par le président Nicolas Sarkozy et dénoncée par ses opposants comme la fin des investigations judiciaires indépendantes.
La réforme envisagée, sur laquelle une commission présidée par le magistrat Philippe Léger remettra son rapport “d’ici quelques semaines” selon Michèle Alliot-Marie, prévoit de confier les enquêtes au seul parquet, subordonné hiérarchiquement à la chancellerie.
Actuellement, le parquet dirige les enquêtes “dans 95% des cas”, un juge d’instruction n’étant désigné que dans les affaires criminelles et les dossiers correctionnels les plus complexes, a précisé la garde des Sceaux au “Grand rendez-vous” d’Europe 1/Le Parisien.

“Les procureurs sont des magistrats et resteront des magistrats”

La réforme voulue par Nicolas Sarkozy qui a déclaré être “prêt à discuter de l’indépendance du parquet”, prévoira “un certain nombre de garanties supplémentaires”, a dit Mme Alliot-Marie.
Ainsi, “l’autonomie de l’enquête doit totalement être préservée”. “Enterrer des affaires, je ne vois pas pourquoi et je ne vois pas surtout comment”, a-t-elle affirmé.
Concernant le statut du parquet, elle a rappelé que “les magistrats ont un statut spécifique” qui “tend à garantir leur indépendance”, qu’il soit du parquet ou du siège c’est-à-dire qu’ils soient chargés des poursuites ou des jugements.
“Les procureurs sont des magistrats et resteront des magistrats”, a-t-elle ajouté en n’envisageant “pas de changement du statut des magistrats du parquet”.

Pas d’instruction “orale”

Alors que le ministre de la Justice peut adresser des instructions aux procureurs, Michèle Alliot-Marie a estimé que celles-ci “lui paraissaient nécessaires dans le cadre des directives générales” fixant “la politique pénale du ministère”.
Des instructions “spéciales” “ne peuvent intervenir que dans certains cas, (et) sont écrites et versées au dossier”, a-t-elle dit, ajoutant qu’il “y aura transparence”. Elle a cité le cas d’une instruction chargeant le parquet de Bobigny de l’ensemble de la procédure sur l’accident aérien aux Comores.
Michèle Alliot-Marie a écarté en revanche toute instruction “orale” assurant: “ça n’est vraiment pas ma façon de travailler. J’ai toujours strictement respecté l’indépendance de la justice et ce n’est pas aujourd’hui que cela va commencer”.

“Chef de personne”

Mais elle a exclu de renoncer à ses prérogatives en matière de nomination des magistrats du parquet. Le garde des Sceaux peut en effet décider de ne pas suivre les avis du Conseil supérieur de la magistrature. “Renoncer par avance (à ces prérogatives, ndlr) c’est contraire aux textes et à l’esprit des textes”, a-t-elle souligné.
Enfin, alors que l’ex ministre Rachida Dati se présentait en “chef des procureurs” Michèle Alliot-Marie a indiqué n’être le “chef de personne”.

(Nouvelobs.com)

Politique 05/07/2009 – 10:28

J’entends être le ministre de l’efficacité des peines“, a déclaré la Garde des Sceaux Michèle Alliot-Marie dimanche lors du Grand Rendez-Vous Europe 1-Le Parisien. Interrogée sur la surpopulation carcérale, la ministre a promis “la livraison d’ici à la fin de l’année d’un certain nombre de places“. “Il faut faire des efforts qualitatifs“, a-t-elle ajouté, expliquant que la prison “ne devait pas être une atteinte à la dignité humaine“. “20% des prisonniers relèvent de la psychiatrie d’où l’importance de construire dans les hôpitaux des emplacements qui puissent permettre d’héberger ces prisonniers“, a-t-elle ajouté. “Nous devons avoir un éventail des conditions d’emprisonnement qui corresponde à la diversité des prisonniers“, a-t-elle encore déclaré.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=AUmUlqqGneM[/youtube]

Julie Laborderie, 4 juillet 2009

La Une travaille actuellement sur un projet ultraconfidentiel et inédit à la télévision française : procéder à la reconstitution de procès criminels avec scénario, réalisateur et comédiens.

Des procès criminels emblématiques rejoués par des comédiens en prime time dans la lucarne. C’est le projet ambitieux et secret sur lequel planche actuellement la direction des magazines de l’information de TF1.

Il y a quatre mois, les équipes de la première chaîne ont contacté la Chancellerie et le parquet général de Paris afin d’étudier le cadre légal de ce programme inspiré d’une émission britannique.

Explications : l’article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse interdit « dès l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires, l’emploi de tout appareil permettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image ».

Sauf à ce que ledit procès soit historique et filmé pour la mémoire collective. Ainsi ceux de Klaus Barbie, de Paul Touvier ou, plus récemment, de Maurice Papon ont été intégralement fixés sur pellicule, grâce à la loi du 11 juillet 1985 autorisant la constitution d’archives audiovisuelles de la justice.

Des sténodactylos dans le prétoire

Caméras, appareils photo et autres enregistreurs de sons et d’images formellement prohibés du prétoire, TF1 fera donc appel à un escadron de sténodactylos. Lesquelles se relaieront afin de prendre en notes chaque minute d’audience. Les services du ministère de la Justice ont déjà validé le procédé.

Dernièrement, lors du procès de Véronique Courjault, on a ainsi pu voir deux dactylos retranscrire les débats pour le compte de la société de production de Jean-Xavier de Lestrade qui prépare un film sur l’affaire des bébés congelés. Pour mémoire, le réalisateur avait remporté un Oscar en 2002 pour Un coupable idéal, un documentaire sur l’histoire d’un adolescent afro-américain victime d’une erreur judiciaire.

Le procès de Youssouf Fofana était dans les tuyaux

A partir de ces retranscriptions, un scénario sera concocté, puis remis à des comédiens qui se glisseront dans la peau des protagonistes du prétoire : accusé(e), victime, président(e), avocat(e) général, partie civile, défenseur, témoins, etc. Propos et attitudes seront joués à l’identique.

« L’idée, c’est de se saisir d’un procès emblématique soulevant une question sociétale qui pourrait trouver un écho dans l’opinion », détaille un cadre de la maison TF1. A l’image de celui du « gang des barbares », en cours devant les assises de Paris. La comparution des coupables présumés de ce fait divers sordide avait suscité l’intérêt de la première chaîne, qui s’était parée de toutes les autorisations nécessaires. Las ! le prononcé d’un huis clos au bénéfice de Youssouf Fofana et de ses acolytes a remisé le projet au placard. Loin d’abdiquer, les limiers de la Une auraient déjà dégoté, selon une source interne, un autre dossier judiciaire d’importance en province.

Restera toutefois une dernière obligation à respecter, comme on l’indique au parquet de Paris : « Nous avons donné notre accord sur le principe de ce qui sera une sorte de rediffusion de procès, mais uniquement dans le cas où il sera frappé d’une décision définitive. Cela afin de ne pas soulever de problèmes juridiques. » Impossible, donc, de procéder à une reconstitution si tous les recours – appel, cassation, Cour européenne – n’ont pas été épuisés.

TF1 a peur d’un plagiat

Sollicité hier par téléphone, Pascal Pinning, le patron des magazines de la Une, n’a pas souhaité confirmer nos informations. Dans le monde de la télé, on ne prend pas le risque de se faire plagier par la concurrence tant qu’un projet n’a pas été déposé. Surtout quand du côté du service public, Faites entrer l’accusé dope les audiences de France 2.

Pour l’heure, si le format de ce futur programme n’a pas encore été validé, la diffusion en prime time a été entérinée. Au-delà des contraintes juridiques, l’arrivée d’une émission de « real justice », inédite en France, soulève des questions éthiques et partage les professionnels du monde judiciaire.

Alors qu’aux Etats-Unis, la législation permet la diffusion sur truTV – anciennement Court TV – de procès tel que celui de O.J. Simpson, dans l’Hexagone le débat a récemment fait rage sur la possibilité de filmer les audiences. Les « pro » et « anti » se sont affrontés dans plusieurs commissions chargées, par la Chancellerie, de se pencher sur le sujet. Sans résultat puisque, à ce jour, la loi n’a pas changé d’un iota.

Le quidam continue, lui, de se précipiter au palais de justice dès qu’un procès médiatisé s’annonce. Souvent, il s’en retourne frustré car, faute de place dans le prétoire, il ne peut assister à des débats pourtant publics – sauf lorsqu’ils concernent des mineurs ou qu’une victime demande le huis clos.

Une chose est sûre, la première chaîne a flairé le bon filon avec sa future émission. Celui d’une opinion curieuse de la chose judiciaire souvent méconnue et méfiée. Alors, comédie humaine étalée à la télé ou respect d’une justice démocratique ? On attend de voir sur TF1.


“Il faut montrer la justice dans tous ses aspects”, Daniel Karlin, documentariste

Le réalisateur de Justice en France (*) se dit partisan d’une chaîne câblée qui diffuserait des procès dans leur intégralité.

FRANCE-SOIR. Que pensez-vous d’un projet d’émission de reconstitution d’un procès d’assises ?
DANIEL KARLIN.
L’idée n’est pas inintéressante, mais rejouer des procès à l’identique me semble d’une formidable médiocrité. Lorsque j’ai moi-même filmé des audiences, je l’ai fait avec des vrais gens qui avaient la capacité de me dire « Je ne veux pas que ça passe à la télévision », ce qui ne sera pas le cas avec TF1 puisqu’ils feront intervenir des comédiens. In fine, TF1 va choisir de gros procès qui ont fait du bruit et va couper ce qui l’arrange. Or cette démarche sera probablement malhonnête. Aujourd’hui, personne ne prend la responsabilité de réfléchir à la manière de montrer la justice française, et TF1 choisit ce moment pour monter un projet de procès rejoués à l’identique par des comédiens. Alors que la question essentielle est de savoir comment et quand on filme la justice ?

Au regard de votre expérience, quelles sont les précautions éthiques et techniques à respecter dans la mise en images de la justice, notamment au travers d’un procès ?
C’est très compliqué de filmer un procès, car le vrai dilemme est de savoir si l’on prend parti pour l’un ou l’autre des protagonistes. Et puis le dispositif technique est très important. Mais, ce qui l’est encore plus, c’est que soit respectée la publicité des débats. C’est-à-dire que l’on doit pouvoir voir un procès du début jusqu’à la fin. Je suis partisan d’une chaîne câblée, comme Court TV aux Etats-Unis, qui diffuserait des audiences dans leur intégralité. Avec, en « incruste », un spécialiste juridique qui éclaire les téléspectateurs car, très souvent, il se passe des choses incompréhensibles pour le néophyte dans une audience.

Pensez-vous que la présence d’une caméra ou la reconstitution d’une audience influent sur la tenue des débats ?
Non, la reconstitution ne change rien car, dans la tête des protagonistes, elle reste au stade théorique. En revanche, la présence d’une caméra change tout le monde, avec comme première conséquence le fait de diminuer la médiocrité de beaucoup de magistrats. Au fond, l’interdiction de filmer les procès a d’abord pour objectif de protéger la magistrature, et non les justiciables. La caméra influence tout le monde, mais dans le bon sens.

La justice est-elle un spectacle pour celui qui la filme ?
La justice est un spectacle pour tout le monde. Elle est conçue comme tel, avec des habits spécifiques, des positions bien définies dans le prétoire et dans la prise de parole. C’est même un des spectacles les plus codifiés et les plus hiérarchisés qui existent dans notre société. Si elle fonctionne de la sorte, c’est qu’elle doit servir d’exemple.

Le projet de TF1 n’est-il pas une manière de redonner tout son sens à l’expression « publicité des débats », fondement d’une justice démocratique ?
Le projet se concentre sur la justice criminelle, or il s’agit de quelques milliers de procès sur plusieurs millions. Il faut montrer la justice dans tous ses aspects, et notamment ceux qui concernent le plus directement les justiciables : les histoires de voisinage, de propriété, de location, de surendettement, etc. C’est là que j’ai rencontré les personnages les plus intéressants du monde judiciaire. »

(*) Justice en France, deux films de 90 minutes réalisés au début des années 90 sur le suivi intégral, de l’instruction jusqu’au procès, dans une affaire criminelle à Lille. Le réalisateur Daniel Karlin a également signé La Justice ordinaire (dans les tribunaux de commerce et administratifs), Les Urgences (flagrants délits, référés), la Défense (au barreau de Lyon) et La Justice des mineurs (avec le juge Véron de Marseille).

Edition France Soir du samedi 4 juillet 2009 page 28

 

Mehmet Bodakçi, avocat à Amed, est poursuivi en justice pour avoir défendu un client au cours d’un procès. Rien que ça.

Son client, Mr Zekiye Ciçekli, âgé de 78 ans, était accusé de “propagande en faveur du PKK” pour avoir participé à une manifestation il y a 4 ans à Silvan (Amed soit Diyarbakir) et porter une photo d’Abdullah Öcalan. Il encourrait une peine de trois ans. Au cours de son procès, le Procureur lui a demandé s’il aimait Apo. Le vieil homme a répondu qu’il ne soutenait pas Mr Ocalan. Son avocat, Maitre Bodakçi, est alors intervenu pour rappeler au Procureur de la République qu’il n’avait pas le droit de poser une telle question. “Je conteste les questions posées à l’inculpé. Mon client a déjà répondu à cette question par sa défense. C’est donc une question inutile et les gens ne peuvent être forcés à dévoiler leurs opinions politiques” a-t-il objecté.

Si Mr Ciçekli est acquitté, l’avocat, lui, est inquiété. Le procureur de la République de Silvan a effectivement demandé au Ministère de la Justice l’autorisation de poursuivre l’avocat. L’autorisation accordée, la cour d’assises de Siverek a entamé le procès contre Maitre Mehmet Bodakçi pour “propagande en faveur d’une organisation terroriste” et “mauvaise usage de ces fonctions”. Une peine de 7 ans est recquise contre l’avocat.

La Cour d’assises de Siverek s’étant déclarée incompétente, le dossier a été transféré à la seconde chambre de la cour d’assises d’Amed. Le procès a débuté le 15 mai 2009. Maitre Emin Aktar, président du barreau d’Amed et avocat de Mr Bodakçi, a expliqué lors de l’audience qu’un avocat est libre de sa défense et que son client, avocat chargé de la défense de Mr Bodakçi, s’était seulement opposé, dans l’exercice de ces fonctions, aux questions persistantes et inutiles du Procureur qui aurait pu trouver réponse à ces questions lors de la défense.

Maitre Sezgin Tanrikulu, ancien membre du barreau d’Amed et autre avocat de Mr Bodakçi, a lui précisé que le barreau d’Amed ne saurait admettre les positions du Ministère de la justice et du Procureur de la République d’Amed.

L’avocate Meral Danış Beştaş, appelée pour la défense, a dénoncé quant à elle l’absurdité de la situation précisant que jamais un avocat n’avait été arrêté pour s’être opposé au Procureur de la République dans l’exercice de ces fonctions.

La seconde chambre de la Cour d’assises d’Amed a décidé de transférer le dossier à la quatrième chambres de la Cour d’assises.


Source: Haber Diyarbakir