M. Fujimori a été condamné mardi par un tribunal spécial à six  ans de prison pour abus de pouvoir, ainsi qu'à une amende  d'environ 132.000 dollars à verser à l'Etat péruvien.

(Photo: Xinhua/AFP)

Les familles des victimes attendent …

Alberto Fujimori se dit innocent

Le procès ‘historique’

Ouverture du procès

Fujimori risque 30 ans

Procès suspendu

Fujimori dans les bras de Morphée à son procès

Le procès de Fujimori enflamme l’opinion

A Lima, l’ex-président Fujimori clame son innocence

Macchu Picchu

La justice flotte sur les joncs

L’opération escargot des pêcheurs du 3 octobre dernier leur a valu des poursuites.

Dix-sept navires en infraction, neuf inculpés, sept jugés, tous condamnés. Vendredi, au tribunal des affaires maritimes, les juges se sont penchés sur le mouvement des pêcheurs du 3 octobre 2008.

Une première au tribunal maritime de Boulogne : sept marins, des Étaplois, ont été condamnés pour avoir participé à un mouvement de protestation.

Le 3 octobre dernier, les pêcheurs étaplois ont bloqué le port de Calais. Leur motif de contestation : les quotas insuffisants imposés pour la pêche au cabillaud. Dans le début de la soirée, les chalutiers ont rejoint le port de Boulogne. Prenant le rail à contre-sens vers 18 h 30. C’est pour cette infraction que sept d’entre-eux (sur une vingtaine de chalutiers) ont été jugés au tribunal maritime de Boulogne, vendredi.

«  Il est difficile de séparer le contexte du mouvement, de l’infraction pour laquelle le tribunal est saisi », rappelle le président. L’action avait empêché le trafic des ferries SeaFrance et P &O, les obligeant à faire demi-tour.

Ce jour-là, l’hélicoptère de la police judiciaire identifie dix-sept chalutiers. Neuf sont inculpés, mais deux n’ont pas reçu leur citation à comparaître.

Aucun prévenu n’est présent dans la salle d’audience, Tous sont représentés par le même avocat. Même si le mouvement a débuté à Calais, le tribunal n’est saisi que pour la période allant de 18 h 30 à 21 h 20, moment où les marins naviguaient à contre-sens pour une opération escargot.

Trois se sont quelque peu désolidarisés de l’action et ont nié les faits au moment de leurs auditions. Arguant qu’ils étaient soit en action de pêche, soit en repérage du poisson. «  Pour la pêche, il existe une tolérance, explique l’avocat. Si cela n’occasionne pas de gêne, il est admis que les pêcheurs soient dans le sens contraire ». Un argument qui a laissé le tribunal plus que perplexe… «  Quelque part, ces marins étaient dans l’exercice d’un droit, plaide encore maître Freddy Desplanque, celui de manifester . Il s’agissait d’un mouvement coordonné : ils étaient en contact radio en permanence avec le Cross Gris-Nez, leurs feux étaient allumés ».

L’exception de nullité (le manque de précision de l’infraction dans la citation qu’ont reçu les marins) a également été soulevée. Le tribunal l’a rejetée dans chaque dossier. «  Pour rendre sa décision, le tribunal a pris en compte le contexte de protestation, la reconnaissance ou non des faits par les prévenus et le casier judiciaire », a expliqué le président.

Deux des marins qui ont nié les faits ont été condamnés à une amende de 3 000 E, deux autres devront débourser 2 500 E, un à 3 000 E dont 1 200 assortis du sursis et les deux derniers à 2 500 E dont 1 200 assortis du sursis. L’affaire reste à suivre pour les dix autres pêcheurs. •

DELPHINE LACROIX

NOUVELOBS.COM |
Jugés en comparution immédiate, les trois Allemands ont été condamnés à des peines allant de 3 à 6 mois de prison pour leur implication dans les manifestations, lors du sommet de l’Otan.

Trois manifestants allemands ont été condamnés à des peines de prison, lundi 6 avril, pour leur implication dans les manifestations violentes à Strasbourg, lors du sommet de l’Otan.
Jugés en comparution immédiate par le tribunal correctionnel de Strasbourg, les trois Allemands ont été condamnés à des peines allant de 3 à 6 mois de prison.

“Un procès politique”

L’un d’eux, âgé de 25 ans, a été condamné à 6 mois de prison, avec mandat de dépôt. Il a été vu en train de jeter des pierres contre une patrouille de police. Il a annoncé son intention de débuter une grève de la faim. “J’ai été condamné pour quelque chose que je n’ai pas fait”, a-t-il déclaré avant d’être évacué.
Un autre jeune homme, âgé de 23 ans, a été condamné à 6 mois de prison, avec mandat de dépôt et trois ans d’interdiction d’entrer sur le territoire. Il a été interpellé vendredi en possession d’une barre de fer. Dénonçant “un procès politique”, il a lui aussi annoncé vouloir faire une grève de la faim.
Le troisième, âgé de 23 ans également, a reçu trois mois de prison, sans mandat de dépôt, pour avoir été interpellé vendredi avec une hachette. Le tribunal lui ordonne de ne plus remettre les pieds sur le territoire pendant les cinq prochaines années, faute de quoi la peine devrait être exécutée.

“Fascistes, fascistes!”

De nombreuses personnes étaient venues au tribunal afin de témoigner leur soutien aux manifestants. Ils ont perturbé l’audience aux cris de “Fascistes, fascistes!”.
Au total, onze personnes devaient être jugées lundi: sept Français, trois Allemands et un Hongrois résidant en Allemagne. Agés de 19 à 37 ans, ils ont été interpellés entre les 2 et 4 avril.
L’un d’entre eux avait été interpellé en possession d’un lance-pierres à l’issue de la manifestation de samedi.
“J’ai le sentiment qu’ils vont payer pour les autres. Ceux qui ont mis le feu à l’hôtel, je ne sais pas où ils sont”, a déclaré Alain Charlemoine, de la Legal Team International.

“Des sanctions extrêmement sévères”

La ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie avait déclaré lundi matin qu’elle souhaitait “des sanctions extrêmement sévères” contre les casseurs, afin de faire “un exemple”.
Le rôle des forces de l’ordre est cependant lui aussi mis en cause, en particulier parce que la police, omniprésente ailleurs dans la ville, est restée invisible lorsque des casseurs ont incendié un hôtel Ibis, une pharmacie et d’anciens locaux de la douane du Pont de l’Europe.

Le Post

Un an de prison avec sursis et 130.000 euros d’amende : c’est la condamnation de Sébastien Budin, 26 ans. Sa faute ? “On me reproche d’avoir télécharger pour ma consommation personnelle et surtout d’avoir fait un site pour trouver des films sur eMule”, explique le jeune homme au Post.fr.

Créé en 2006, station-divx.com, qui recevait 20.000 à 30.000 visiteurs par jour, proposait des fiches sur des films et indiquait les mots clés à taper sur le site de peer-to-peer pour accéder aux fichiers. “Je ne mettais pas directement les films à disposition des internautes”, précise Sébastien Budin.

Le tribunal correctionnel de Lyon a jugé Sébastien Budin coupable de complicité de contrefaçon, le 5 mars dernier. Face à ce jeune facteur, des poids lourds de l’industrie cinématographique : 20th Century Fox, Buena Vista, Paramount etc…

Contacté par LePost.fr, Sébastien Budin estime que cette sanction, tombée en plein débat sur la loi Hadopi, a un but : “passer un message fort aux internautes”.

Vous vous rendiez compte à l’époque que vous preniez un risque ?

“Non, je n’ai d’ailleurs pas caché mon identité. C’est pour ça que la police m’a retrouvé facilement. Pour moi, je ne risquais rien car il y a des sites où l’on trouve directement des films et ils n’ont pas de problème.”

Vous allez faire appel. Vous n’avez pas l’impression que votre procès, c’est David contre Goliath ?

“Si, mais j’ai contacté des médias et ça a pris petit à petit. J’ai aussi créé le site de soutien pour raconter mon histoire. Ce n’est pas parce que ce sont des géants qu’il faut que je me taise.”

Vous pensez que vous avez une chance de gagner ?

“Alors là, si je savais… Même en arrivant au verdict en première instance, je ne pensais pas me faire allumer comme ça. Les parties civiles ont estimé un préjudice de 4 millions d’euros. Dans ce cas, pourquoi ne me demandent-ils que 150.000 euros ? Pour eux, ce n’est rien. Ils ne veulent pas d’argent, ils veulent juste faire peur aux internautes. Pour moi, cette somme est exorbitante.”

Vous semblez assez serein. Vous n’êtes pas du tout inquiet ?

“J’ai été inquiet mais j’essaie de passer outre. Dans ma tête, je n’ai plus rien à perdre. Je me dis que je devrais tout payer donc je vais me battre pour moi, mais aussi pour tous les autres qui téléchargent.”

Votre procès a eu lieu en plein débat sur le projet de loi Hadopi. Pensez-vous que votre sanction est donnée à titre d’exemple ?

“Le but est de passer un message fort aux internautes. Je n’ai pas été condamné pour téléchargement illégal mais pour complicité de contrefaçon. Il y a une nuance. Mais les gens vont lire les mots téléchargement, divx, sanction… et vont faire le lien.”

Vous téléchargez encore ?

“Non, j’écoute la musique sur Deezer et je ne regarde plus du tout de film, je suis dégoûté du cinéma.”

Sébastien a créé un site de soutien où il raconte toute son histoire. Il a aussi monté un groupe de soutien sur Facebook, fort de plus de 1.200 membres.

Tribunal
En août 2006, c’est une simple prise de bec entre deux hommes qui débouche sur une agression dont les conséquences auraient pu être dramatiques. L’agresseur s’en est pris à sa victime en lui crachant de l’essence enflammée avec son briquet. Résultat : de très graves brûlures au 3e degré sur le thorax, sur 16 % du corps, deux mois d’interruption temporaire de travail et près de 6 mois d’arrêt maladie, une évacuation au Centre des grands brûlés de Lyon avec une série de greffes de peau pendant plusieurs mois.
Tout est parti d’une soirée de beuverie pour un jeune homme de 24 ans de Robiac-Rochessadoul. Régulièrement alcoolisé, le Gardois avait fait la fête chez des amis ce soir-là avant de se rendre à la buvette du camping. Là il s’en prend à la serveuse, une ex-petite amie. La grossièreté
de ses propos et son comportement feront pleurer la jeune fille avant qu’un client ne dise à l’importun que cela suffisait. Le jeune homme sera expulsé avant de revenir sur les lieux.
Mais entre temps, il est passé chez lui, a siphonné son scooter pour récupérer l’essence dans une bouteille. Par deux fois, il va cracher de l’essence enflammée avec son briquet sur l’homme avec qui il s’était accroché.
Hier matin, le jeune homme se retrouvait devant le tribunal correctionnel d’Alès, près de trois ans après les faits. « L’homme que vous jugez aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui qui a commis les faits », plaide M e Richard.
Le prévenu a été en effet sevré de son addiction à l’alcool, il travaille depuis bientôt trois ans, définitivement embauché par son employeur qui l’a même augmenté, satisfait de la qualité de son travail. Il a une compagne et a renoué des liens avec sa famille.
Une réinsertion que le ministère public est heureux d’entendre mais qui n’enlève rien à la gravité et à la violence des faits, d’autant qu’il retient la préméditation.
Le tribunal a condamné le prévenu à 30 mois de prison dont 20 mois avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve pour une durée de trois ans avec l’obligation de travailler, d’indemniser la victime et de se soigner.

T. Dg

par Florence Audier
À quoi aboutira la suppression du juge d’instruction, annoncée avec tambours et trompettes par le gouvernement dans le sillage de l’affaire d’Outreau ? Selon Florence Audier, à reconstituer l’instruction à l’identique – l’indépendance en moins.
La réforme de la justice n’est pas un long fleuve tranquille, surtout depuis 2007. De rebondissement en rebondissement, c’est vers une transformation radicale du système judiciaire qu’on s’achemine à marche forcée. Là-dessus, beaucoup, et même l’essentiel a déjà été dit et écrit pour prendre la défense de la séparation des pouvoirs, de l’accès à une justice équitable, de l’égalité des citoyens quelle que soit sa fortune, du droit à saisir les tribunaux, du statut et de la déontologie des magistrats dans notre société et de leur capacité à mener des enquêtes indépendantes. L’indépendance est toujours à conquérir et à préserver.

Dans ce bref texte, nous voudrions simplement mettre en évidence quelques éléments moins souvent évoqués, mais qui nous semblent aussi éclairer le zèle dont font preuve l’Elysée, la garde des sceaux et le parti majoritaire, pour réformer la magistrature. Quelques éléments qui montrent aussi ce à quoi pourrait aboutir la suppression des juges d’instruction en faveur du parquet : à reconstituer l’instruction à l’identique, l’indépendance en moins.
La défiance envers la fonction publique

Tout d’abord on peut remarquer que cette présidence marque l’irruption à la tête de l’Etat et des grands ministères d’un très grand nombre de membres de professions libérales et spécialement d’avocats, surtout des avocats « d’affaires ». Ceux qui ne l’étaient pas se sont parfois efforcés de le devenir au plus vite, comme pour gagner en légitimité. « Moins d’ENA, moins d’État » était leur slogan, implicitement complété par : « vive les professions libérales, vive les avocats ». Cette défiance vis-à-vis de la fonction publique et de ce que certains appellent le « doux oreiller du fonctionnariat » [1], qui se traduit entre autres, dans la plupart des domaines, par des restrictions en termes de ressources et d’emplois, a des échos directs dans la justice : après tout, les magistrats sont des fonctionnaires de l’État, ils sont recrutés par concours et affectés dans les juridictions selon des règles strictes, écrites et connues, ils bénéficient d’un statut, et l’École qui les professionnalise se voulait, lors de sa création, l’équivalent de l’ENA [2] ! Manifestement, certains ne se sont pas encore résolus à la professionnalisation de la magistrature, somme toute récente puisqu’elle ne date que de 1958 – les juges d’instructions sont nés en même temps – et qu’elle associe de façon indissoluble statut, formation et recrutement, en vue d’accomplir une de ses missions fondamentales : la garantie des libertés individuelles.
Les critères d’évaluation étriqués et contre-productifs

Cette défiance à l’égard de la fonction publique a également des échos dans la façon dont le travail des magistrats est traité et évalué – certains disent dévalué. Car des indicateurs de performance ont pénétré largement l’univers des tribunaux qui entrent, comme toutes les activités, dans la sphère d’application de la « révision générale des politiques publiques » : stocks d’affaires à traiter et délais de résorption, nombre de dossiers par magistrat etc., bref une foule d’indicateurs quantitatifs (une soixantaine), alimentant des statistiques qui, à leur tour, conditionneront les budgets et, plus généralement, les moyens des juridictions, via notamment des « contrats de progrès ». La structure hiérarchique du judiciaire semble ainsi de plus en plus perçue comme une structure de contrôle et d’allocation des moyens. D’où un malaise persistant chez les magistrats de toutes les juridictions qui perçoivent douloureusement l’obligation d’avoir à river l’œil sur des « tableaux de bords » et des « remontées parquet ». Car c’est évidemment le parquet, qui reçoit toutes les affaires et les oriente, c’est-à-dire qui décide quelle suite leur donner (poursuite ou « sans suite »), qui supporte l’essentiel des contrôles. Avec un double objectif : faire en sorte que davantage d’affaires reçoivent une solution judiciaire, sous la forme d’un jugement ou d’une alternative aux poursuites, procéder de telle sorte que la réponse judiciaire intervienne rapidement, gage de son efficacité, par exemple via les « jugements en temps réel », et ce dans le respect strict de la politique pénale définie par la Chancellerie.
Une unité de la magistrature considérée comme gênante

Rappelons que la magistrature est constituée de deux grandes branches qui concourent ensemble à l’exercice de la justice, le siège et le parquet. Le siège (ou magistrature « assise » lors des procès) est composé de juges, qui peuvent être en charge de missions généralistes ou spécialisées : juges d’instance, juges des enfants, juges de l’application des peines, juges des affaires familiales etc. Parmi eux, les juges d’instruction, qui sont des magistrats du siège en charge de missions d’enquête. Le parquet (dont les représentants requièrent debout lors des audiences) – ils prennent le nom de procureur ou de substituts du procureur – est en charge de l’opportunité des poursuites, de la direction de la police judiciaire et de la gendarmerie lors des enquêtes, ainsi que des réquisitions lors des procès, au titre du ministère public.

Jusqu’à présent, les magistrats peuvent alternativement appartenir à l’une ou l’autre – sous certaines conditions – au cours de leur carrière, le statut des magistrats étant commun à tous. Toutefois, le positionnement du siège et du parquet vis-à-vis du pouvoir exécutif est différent : alors que le siège bénéficie d’une totale indépendance et inamovibilité, qui lui est garantie par la Constitution, le parquet est soumis à des obligations de mobilité et s’inscrit dans une ligne hiérarchique dont le sommet est la Chancellerie.

À lire les prises de position des uns et des autres, ainsi que les déclarations des associations professionnelles, les parquetiers sont résolument hostiles à une dissociation voire séparation du siège et du parquet, soutenus en cela par les organisations syndicales de magistrats. L’unité de la magistrature, c’est-à-dire le fait qu’un statut commun régisse tous les magistrats de notre pays, est donc périodiquement mise en question. Et si l’offensive contre l’unicité du siège et du parquet ne date pas d’hier, rappelons qu’elle a repris une nouvelle actualité à la suite de l’affaire d’Outreau (bien que la commission parlementaire, après de longs débats, ait décidé de ne pas recommander cette séparation). Ainsi, lors de son audition devant la commission d’enquête parlementaire, le premier président de la Cour de Cassation, M. Guy Canivet, a proposé de séparer nettement les procureurs des juges, affirmant que la situation actuelle « brouille l’idée d’une justice impartiale et place la défense en déséquilibre ». Mettant en question le fait que les juges et les parquetiers soient formés ensemble et que les magistrats puissent passer d’un rôle à l’autre en cours de carrière, il propose « une nette séparation des hommes, des structures, des administrations et des moyens budgétaires ». De même, la Conférence des Premiers Présidents de Cours d’appel, au nom de l’indépendance de la justice et en raison du fait que le parquet constitue l’une des parties au procès, s’est déclarée favorable à cette séparation. Au contraire, les magistrats du parquet s’affirment très généralement hostiles à toute initiative de ce type, et le procureur général près la Cour de Cassation, Jean-Louis Nadal, s’en est fait l’écho en s’exprimant clairement à ce sujet.

C’est dans ce contexte qu’intervient l’annonce présidentielle sur la suppression des juges d’instruction, pour confier l’ensemble de la phase de pré-jugement ou d’enquête au seul parquet, et c’est donc évidemment dans ce contexte qu’il faut tenter de l’évaluer.
Enquêtes et jugements

Dans la quasi-totalité des cas (96%), la première phase, celle de l’enquête, est sous la responsabilité exclusive du parquet, qui dirige la police et la gendarmerie dévolues au judicaire. Et c’est seulement dans les quatre autres pourcents des cas qu’intervient l’instruction, lorsque les parquets la saisissent [3] et sur des objets très précis – la saisine du parquet n’intervient que dans les affaires criminelles qui doivent déboucher aux Assises, ainsi que dans les affaires délicates, difficiles à démêler, qui nécessitent des investigations particulièrement longues, complexes et approfondies, mettant souvent en jeu des méthodes d’investigation et de coercitions inhabituelles. À quoi s’ajoute un autre motif à ne pas négliger : l’instruction peut également être déclenchée par recours des parties civiles, ce qui oblige à poursuivre, alors même que le parquet n’en aurait pas eu l’intention.
Quelques ordres de grandeur

En 2007, les parquets ont eu à traiter près de 5 millions d’affaires au pénal, dont 70% n’étaient pas poursuivables (auteur inconnu, raisons juridiques etc.). Parmi les affaires poursuivables (1 483 549), 1/3 ont fait l’objet d’une procédure d’alternative aux poursuites « réussie », mettant ainsi fin à la procédure, et 4% d’une composition pénale réussie. Compte-tenu du fait que 16,3% des procédures pénales ont fait l’objet d’un classement sans suite, on estime à environ la moitié des affaires poursuivables celles qui ont été effectivement poursuivies devant les tribunaux (692 459 affaires).

Dans ce dernier cas, différentes orientations des dossiers sont possibles, décidées par le parquet : convocations pour jugement par Officiers de Police Judiciaire, par Procès Verbal etc. ou Comparution immédiate, etc. ; et divers types de juridictions peuvent être saisies : tribunaux de police, des enfants, correctionnelle, etc. Dans cette variété de choix, la saisine d’un juge d’instruction pour enquêter « à charge et à décharge » ne concerne, finalement, qu’une infime minorité de cas (en 2007, 28 279 affaires). Évidemment, lorsqu’il n’y a pas de saisine de l’instruction, la phase d’enquête revient exclusivement au parquet. Mais son rôle va bien au-delà : depuis la mise en œuvre des procédures d’alternatives aux poursuites et de la composition pénale, le parquet fixe même les condamnations, intervenant ainsi directement dans la phase de jugement, ce qui évite aux personnes concernées de comparaître devant le tribunal. Beaucoup de parquetiers considèrent que c’est précisément leur appartenance pleine et entière à la magistrature, qui les conduit éventuellement à exercer les différentes fonctions du siège et du parquet, qui rend légitime et acceptable leur jugement.
Les juges d’instruction

Pour exercer les missions spécifiques d’investigation qui leur sont confiées par les procureurs, les juges d’instruction et les vice-présidents chargés de l’instruction sont peu nombreux : autour de 600. Comme les autres magistrats, ils sont, jusqu’à présent, répartis dans les différents ressorts de Cour d’Appel, avec néanmoins une spécificité à laquelle l’antépénultième réforme avait tenté de répondre en créant des pôles de l’instruction [4] : un très fort isolement. Car nombreux sont les TGI qui ne possèdent qu’un seul juge d’instruction (ils sont 68 dans ce cas et plus du quart des effectifs exercent dans les ressorts de Paris ou de Versailles), dont une majorité de vice-présidents, c’est-à-dire de magistrats expérimentés.

Ces fonctions exercent en effet une grande attractivité. Ainsi, par exemple, ce sont les premiers dans le classement de sortie de l’ENM qui choisissent les quelques postes de juges d’instruction qui leur sont offerts (une centaine seulement sur quatre ans, soit en moyenne 10% des postes), en dépit de localisations parfois peu attrayantes. C’est ce qui a été constaté lors des choix de postes des promotions sorties en 2002 à 2006 : près des 3/4 des postes de juges d’instruction sont revenus à des jeunes sortis parmi les 100 premiers du classement, 20% des postes de juges d’instruction ont été choisis et attribués à des jeunes magistrats classés dans les vingt premiers. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard qu’ils sont devenus juges d’instruction : 58% d’entre eux avaient un projet précis concernant les fonctions souhaitées dès leur entrée à l’ENM (contre seulement 46% en moyenne), parmi lesquelles figurait en bonne place l’instruction. Autre exemple d’attractivité : ce sont les juges d’instruction qui sont les plus nombreux à se déclarer satisfaits de leur premier poste (93% contre 84% en moyenne). Dès lors, ils demandent le moins fréquemment à changer de fonctions, même si la localisation de leur lieu d’exercice leur convient peu. Le fait qu’ils aient à « rechercher la vérité » dans des affaires longues et complexe à traiter joue probablement comme un frein à la mobilité : on ne lâche sans doute pas volontiers une affaire en cours d’instruction, mais ce n’est qu’un élément parmi d’autres. On pourrait donner d’autres exemples, comme l’attraction exercée par les postes de l’instruction qui se libèrent si l’on en croit la fréquence de demandes, émanant en particulier de magistrats du parquet.
Le parquet pourrait-il assumer l’instruction ?

L’instruction constitue incontestablement une fonction attractive pour les magistrats. Qu’en est-il du parquet qui, selon le Président de la République, serait mieux à même d’exercer les responsabilités actuellement dévolues aux juges d’instruction ? Pour en discuter, il nous faut entrer dans le détail.

Tout d’abord, les parquetiers sont nettement plus nombreux que les juges d’instruction, à peu près le quart des postes de magistrats en juridiction. De surcroît, près de la moitié des postes offerts à la sortie de l’ENM sont des postes au parquet, bien qu’une partie non négligeable des jeunes magistrats nommés substituts n’aient pas véritablement choisi cette fonction. Plus précisément, c’est plutôt du groupe important des jeunes magistrats qui n’avaient pas fixé a priori leur choix de fonctions que les parquetiers sont issus ; auxquels s’ajoutent ceux qui n’avaient plus le choix, les postes étant attribués, jusqu’à présent, par ordre de rang de sortie. Pour autant, les substituts, une fois en poste, semblent y prendre intérêt, puisqu’ils cherchent à la fois à changer de localisation, mais sans renoncer le plus souvent à leur attache au parquet.

Pourtant, la vie des parquetiers est difficile. En effet, ils travaillent dans de très petites unités : on sait peu que si l’on se base sur les effectifs réels (et non théoriques, en raison de l’abondance des postes non pourvus), près de la moitié des TGI (Tribunaux de Grande Instance) ont seulement entre 2 et 4 parquetiers, 80% des TGI moins de 10 parquetiers ! Ensuite, il faut se remémorer le fait que leur fonction, qui n’a cessé de s’étendre dans les années récentes, recouvre à la fois des responsabilités juridictionnelles, relationnelles et d’organisation/management.

Dans les plus petites unités, où il n’est pas possible d’instaurer un minimum de division du travail, le procureur de la République et ses quelques substituts doivent assumer toutes ces fonctions, avec toujours évidemment une priorité au juridictionnel, qui rythme le temps – en raison des permanences à assumer et des contraintes liées aux comparutions immédiates – et détermine l’ampleur des interstices dans lesquels les autres tâches peuvent s’accomplir (relations avec le parquet général, avec les autorités publiques et les medias, organisation de la juridiction avec le siège, administration du parquet etc., sans oublier la formation des jeunes magistrats). Rappelons que l’efficacité du parquet et de son chef, le procureur de la République, sera jugée à l’aune des indicateurs qui remonteront du parquet, notamment de sa célérité à traiter des affaires.

D’où la question suivante : Comment les parquetiers feraient-il plus et différemment dans des affaires longues et sensibles ? Peut-on raisonnablement penser qu’il y aurait compatibilité entre la recherche de la vérité dans des affaires graves, délicates, demandant des investigations hors du commun, et, précisément, le commun du travail des parquets ?

Risquons-nous à un scénario, somme toute probable si l’annonce du Président se concrétise. Le nombre des affaires actuellement confiées aux juges d’instruction – déjà en forte diminution – continuerait de décliner, notamment le nombre des affaires sensibles. Et ce d’autant plus qu’on ne voit pas clairement quel serait le devenir des poursuites avec constitution de partie civile, qui pourraient disparaître dans la tourmente.

Pour celles qui subsisteraient – notamment les crimes – il est difficile d’imaginer que les parquetiers qui traitent les affaires courantes se voient aussi confier leur élucidation, bref, qu’elles échoient aux substituts, ne serait-ce qu’en raison des obligations de mobilité statutaires qui frappent les parquetiers, et qui les obligeraient à transférer de magistrat en magistrat une même affaire, sans pouvoir la traiter jusqu’au bout. D’où l’hypothèse d’une reconstitution subreptice d’une fonction identique à celle du juge d’instruction, mais logée au parquet – c’est-à-dire sous contrôle hiérarchique – et non plus au siège – et ses conditions d’indépendance. Avec toutes les conséquences afférentes à ce changement, concernant à la fois la nature des affaires et les conditions de leur investigation.

par Florence Audier [31-03-2009]
Aller plus loin

– F. Audier et M. Bacache, « Carrières dans la fonction publique : le cas des procureurs de la République », Économie et Sociétés, janvier 2009.

– F. Audier, M. Bacache-Beauvallet, E.G. Mathias, J.-L. Outin et M. Tabariés, rapport au GIP Droit et justice, Juin 2007, Le métier de procureur de la République, ou le paradoxe du parquetier moderne.
Notes

[1] A. Perez dans Les Échos du 08/01/09, à propos de la recherche scientifique.

[2] Il y a 50 ans, la publication de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant statut de la magistrature, instituait le Centre national d’études judiciaires, devenu Ecole Nationale de la Magistrature depuis 1970 seulement.

[3] L’instruction ne peut pas s’autosaisir ; un juge d’instruction, contrairement au parquet, ne choisit pas ses dossiers.

[4] La commission parlementaire en charge de l’affaire d’Outreau a aussi décidé, à l’unanimité, de ne pas recommander la suppression du juge d’instruction, soutenant au contraire l’idée – reprise ensuite par le Garde des Sceaux de l’époque – de créer des « pôles de l’instruction ».

LE FIGARO N. E. O.
En 2005, le cinéaste Jean-Claude Brisseau (réalisateur de Noce blanche, qui révéla Vanessa Paradis au cinéma en 1989) est condamné à un an de prison avec sursis et 15000euros d’amende. En préparant Choses secrètes (2002), il aurait forcé des apprenties comédiennes à passer des «essais érotiques» qui étaient moins artistiques que sordides: masturbation, «viol digital», etc. Aussitôt, Les Inrockuptibles lancent une pétition de soutien à Brisseau, présenté comme un grand naïf(!), tandis qu’il réalise Les Anges exterminateurs (2006), où l’on voit un réalisateur faire passer des essais érotiques à des comédiennes! La mise en abyme est troublante. Et gênante. Mais pas au point de dissuader tous les producteurs et distributeurs de cinéma français. Réalisé il y a deux ans, son nouveau film vient de sortir: A l’aventure est une parabole sincère et pataude, parfois belle, parfois grotesque, où des jeunes femmes se livrent au plaisir solitaire ou aux joies saphiques lors de scènes kitschement érotiques. Question: a-t-il fait passer des essais aux comédiennes?

EXCLUSIF
Rencontre avec Maître Eolas, un des blogueurs les plus célèbres et les plus mystérieux du Net. Ce jeune avocat du barreau de Paris, qui tient à garder l’anonymat, nous a raconté les dessous de la fabrication d’un site de poil à gratter du judiciaire, devenu à la fois un phénomène et une référence. Et qui est visité par 15 000 personnes chaque jour. Dans une autre vie, celle de sa profession, Maître Eloas assiste de nombreux prévenus en comparution immédiate. Il est un ardent défenseur de l’aide juridictionnelle. Propos recueillis :

La création du blog : « J’avais jusque-là l’habitude de poster des commentaires sur d’autres blogs. Je trouvais formidable ce lieu d’échange entre des gens qui n’ont aucune légitimité journalistique ou politique mais qui peuvent être de véritables experts en leur domaine. Début 2004, je me suis rendu compte que le projet de loi sur l’économie numérique soulevait une levée de boucliers sur Internet. Tout le monde se focalisait sur la LCEN, et, pendant ce temps, il n’y avait aucun échange d’ordre juridique sur le projet de loi Perben 2, alors en discussion. Un projet qui m’inquiétait beaucoup, notamment dans ses volets d’application sur la petite et moyenne délinquance et sur l’aide au séjour irrégulier d’un étranger en France. J’ai donc cessé mes commentaires sur différents blogs et créé le mien ».

Le pseudo Eolas : « C’est un prénom gothique irlandais que j’ai choisi parce qu’il n’existe dans aucune autre langue et qu’il n’avait jusque-là été emprunté par personne. Un an plus tard, lorsque que j’ai changé d’hébergeur, j’ai ajouté « maître » pour obtenir le nombre de lettres exigées par les normes de mon nouveau fournisseur d’accès ».

Les raisons d’un succès : « La progression des visites s’est faite par pics. Aujourd’hui, Maître Eolas reçoit en moyenne 15 000 visites par jour. Celles-ci sont montées jusqu’à 75 000 quand j’ai réagi à la chronique de Luc Besson, dans « Le Monde », qui dénonçait le téléchargement illégal de films et préparait ainsi le terrain à la loi Hadopi. Je ne sais jamais quel billet va avoir du succès. Parfois je crois que celui que je viens d’écrire, en y passant beaucoup de temps, va plaire. Mais je me trompe. Pour celui de Besson, que j’ai rédigé très rapidement, je ne m’attendais pas à une telle réaction. Idem pour mon billet sur la garde-à-vue de l’ancien directeur de Libération, Vittorio de Filipis, pour une simple affaire de diffamation, et qui a eu une grande répercussion.”

Lieu d’écriture du blog : « Parfois chez moi, mais surtout à mon bureau d’avocat. Je consacre environ une 1H30 par jour à rédiger mon billet. Mon ordinateur reste en permanence allumé à mes côtés. De temps en temps, je regarde les commentaires. S’il le faut, je modère, mais il est rare que je supprime plus de cinq posts dans la journée. Cette lecture me prend environ une demie heure. L’avantage, quand on est avocat, c’est que l’on passe pas mal de temps au bureau. Cependant, la quantité des commentaires auxquels je dois répondre, souvent me dépasse. Lors de l’affaire du mariage annulé, à Lille, parce que la femme, n’était pas vierge, j’ai reçu 1500 posts. Lors de celle de la déclaration du pape sur le préservatif, j’ai éteint mon ordinateur au bout de 400 commentaires. Le problème, c’est que répondre à ces derniers prend beaucoup de temps si on ne charge pas une secrétaire ou un communiquant de le faire à sa place. Or, le succès de ce blog tient à ce que les gens peuvent discuter directement avec moi».

Un ou plusieurs Maître Eloas?: >« Je sous-traite à quelques « co-locataires », en l’occurrence, un procureur, deux juges d’instruction et une avocate. Cela me soulage un peu d’écrire et m’amuse lorsque je découvre un texte pertinent de ces auteurs sur mon blog. Le 23 octobre, dernier, jour d’action des magistrats contre la politique de Rachida Dati, j’ai ouvert Maître Eolas pendant trois jours à des magistrats en colère. Ces derniers ont ainsi eu la possibilité, sous pseudonyme, de s’adresser directement aux justiciables. Ces blogs ont suscité pas mal de contreverses et de critiques auxquelles les auteurs n’étaient toutefois pas obligés de répondre. Découvrir ainsi ce que les magistrats ont dans la tête, préoccupation continuelle des avocats, était vraiment intéressant ».

Qui sait qui se cache derrière Maître Eloas ?: « Hormis mon cercle d’amis, peu de gens dans le milieu judiciaire. Je tiens à garder l’anonymat car je ne veux pas que ce blog soit confondu avec des sites d’avocats qui, eux, dépendent de réglementations très strictes. Je tiens à ma libre parole. Pour autant, je ne crois pas que cette partie de mes activités soit un secret de Polichinelle. Cela me rend cependant un peu parano quand je tombe sur un procureur plutôt conciliant. Je me dis que, si celui-ci a rendu la bonne décision, c’est peut-être parce qu’il lit mon blog. Je n’ai, par ailleurs, reçu aucune réaction directe de l’ordre des avocats. On me fiche une paix royale ».

Ses têtes de turc : « On m’a souvent reproché de m’en prendre à Rachida Dati. C’était surtout au début, quand on la présentait comme une star, comme l’amie du couple présidentiel, bienvenue en tant que représentante de la diversité. J’avais cependant pourtant apprécié que Rachida Dati défende, pour protéger l’épouse rejetée par son conjoint, la décision du juge de Lille d’annuler le mariage. Là, Dati jouait son rôle de garde des Sceaux. Mais devant le tollé du monde politique qu’a entrainé ce jugement, il a suffit de 24 heures pour que le gouvernement reprenne la ministre en main. Elle a fait volte-face et m’a beaucoup déçu. Ensuite il y a eu la polémique autour de sa politique pénale. Aujourd’hui, son poste est quasiment vacant, je ne vais pas tirer sur une ambulance ! Pour tout dire, si je m’en prends à des magistrats ou à des journalistes, ma tête de turc préférée reste le garde des Sceaux en place, et toutes les personnes qui prennent des décisions juridiques aberrantes, si possible contradictoires, motivées par de seules considérations politiques ».
(SV)