Portrait
LE MONDE | 03.02.09 | 14h04  •  Mis à jour le 03.02.09 | 20h30

n ne rencontre pas Patrick Ouart. Il refuse tout entretien, comme toute séance photo. Le conseiller justice de Nicolas Sarkozy ne goûte guère que l’on parle de lui. L’homme aime l’ombre, il est aux commandes, dans la salle des machines, parfaitement sûr de lui, et de son influence. Ses ennemis se taisent. Jusqu’aux syndicats de magistrats, classés à gauche, qui, sollicités, sont bien en peine de s’exprimer sur le cas Ouart. Il est craint. A raison, d’ailleurs. Pour en avoir fait peu de cas, la ministre de la justice, Rachida Dati, va faire connaissance dès juin avec les joies obscures du Parlement européen.

Le conseiller justice de l'Elysée, Patrick Ouart.

LUDOVIC/REA

Le conseiller justice de l’Elysée, Patrick Ouart.

C’est peu dire que ces deux-là ne s’apprécient pas. Mais il en est un des deux qui tutoie le président de la République : c’est Patrick Ouart, 49 ans. Rachida Dati, elle, donne du “monsieur le directeur” à Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée. Depuis quelque temps, déjà, certains appellent Patrick Ouart, en plaisantant à moitié, “monsieur le garde des sceaux”, lors de la réunion de 8 h 30, à l’Elysée, où se retrouvent, souvent en présence du chef de l’Etat, les conseillers en cour.

Cela le fait sourire. Il a toujours su que la ministre de la justice ne tiendrait pas longtemps à son poste. Il déteste ses postures, comme lorsqu’elle se rue sur lui pour l’embrasser, devant les photographes, lors de l’installation de la commission Léger chargée de réviser la procédure pénale. Alors même que Mme Dati l’accusait d’instrumentaliser un complot contre elle… Il a su le sort de Mme Dati scellé, lorsque le président a eu ce mot sur sa ministre symbole : “Elle a un moteur trop petit pour monter la pente.”

Patrick Ouart, lui, appartient plutôt à la catégorie des grosses cylindrées. Tendance droite qui s’assume, sans fioritures. Enfance et jeunesse catholique en baie de Somme, un père ébéniste. Il fait son droit, intègre l’Ecole nationale de la magistrature, se retrouve juge à Lille, à 22 ans. A la même époque, il rejoint la très droitière Association professionnelle des magistrats (APM). “C’est un homme très réfléchi, féru d’histoire, témoigne son ami Yves Bot, ancien de l’APM lui aussi, aujourd’hui avocat général à la Cour de justice des communautés européennes. A l’APM, nos lignes de recherche ont pu apparaître très répressives. On avait juste de l’avance…”

A l’époque, il est philosophiquement contre la peine de mort, mais ne souhaite pas qu’on la supprime, si l’on ne s’attelle pas en même temps à reconstituer l’échelle des peines.

Patrick Ouart est donc sans concession. Ses idées sur la justice demeurent très arrêtées, même si, d’après ses proches, il a su évoluer. Avec la gauche au pouvoir, il connaît son purgatoire. Fait un tour à la Mairie de Paris. En 1993, c’est le retour en grâce, il se retrouve à Matignon, conseiller d’Edouard Balladur pour la justice. C’est là qu’il rencontre un jeune secrétaire d’Etat au tempérament prononcé, Nicolas Sarkozy. Entre deux adeptes du franc-parler, le courant passe. A Matignon, il doit aussi gérer le sort judiciaire de trois ministres poursuivis par la justice : Gérard Longuet, Michel Roussin et Alain Carignon. “Il n’a pas d’états d’âme, assure Yves Bot, pour lui, la loi est la même pour tous.”

C’est le début d’une réelle amitié. Nicolas Sarkozy et Patrick Ouart ne se perdent plus de vue, malgré les aléas de leurs carrières respectives. Le magistrat passe par le secrétariat général de la Légion d’honneur, un poste où l’on bonifie ses réseaux. Avant de faire le grand saut dans le privé. Suez, où 350 juristes lui envoient chaque semaine leur “reporting”. Puis LVMH, où il conseille le président, Bernard Arnault. Il aime ces postes à responsabilités, à gros salaire aussi. Patrick Ouart tient à son train de vie, il ne dédaigne pas les bons restaurants.

Il aurait pu rester longtemps chez LVMH. C’était compter sans Nicolas Sarkozy. Le dimanche de son élection, l’un de ses premiers coups de fil est pour Patrick Ouart : “Je suis élu, tu viens.” Son futur conseiller justice n’a pas terminé sa réflexion que l’arrêté de sa nomination est déjà paru. De toute façon, il n’avait pas le choix. Il connaît l’axiome en vigueur, chez les proches du chef de l’Etat : “Il est difficile de résister au président, il est impossible de résister à Nicolas Sarkozy.”

En bon avocat, Nicolas Sarkozy sait trop à quel point, à l’Elysée, il doit veiller au plus près sur les affaires judiciaires. Avec Patrick Ouart, il tient sa vigie. Qu’importe, pour le président, l’affaire Electragate, en Belgique, dans laquelle son nouveau conseiller est poursuivi. Patrick Ouart, alors chez Suez, a eu le tort d’avaliser le recrutement de trois “professionnels” chargés de pirater l’ordinateur d’un cadre d’une filiale, accusé de pactiser avec l’ennemi. L’affaire est vite classée.

A l’Elysée, le conseiller a la mainmise sur tout ce qui touche à la justice. Il supervise les soubresauts de l’affaire Clearstream, démine les procédures à problèmes, garde la haute main sur les nominations sensibles : François Falletti à la cour d’appel d’Aix-en-Provence, c’est lui, Gilbert Azibert au secrétariat général de la chancellerie, c’est lui aussi.

Il impulse également les réformes, trop heureux de pouvoir imposer sa vision de la justice, lui qui fustige tous les corporatismes judiciaires. Il rédige ainsi le discours du 7 janvier qui annonce la disparition des juges d’instruction. Il assure promouvoir les droits de la défense, et tenter de stabiliser la procédure pénale. Ses adversaires le soupçonnent plutôt de vouloir placer l’autorité judiciaire sous la coupe de l’Etat. “Il donne des avis pertinents, confirme Claude Guéant. Il a une connaissance extraordinaire de la psychologie judiciaire, il est extrêmement précieux.”

Cela ne va pas sans casse. Comme dans l’affaire Kieffer – la disparition d’un journaliste en Côte d’Ivoire – où un juge d’instruction, Patrick Ramaël, le suspecte d’avoir tenté de faire pression sur un témoin-clé. Le juge se rend sans prévenir à l’Elysée, le face-à-face est houleux, d’autant que Patrick Ouart a dû laisser en plan son déjeuner. Le magistrat le convoque ensuite dans son cabinet. Le conseiller se fâche, dépose une plainte pour “dénonciation calomnieuse”.

C’est lui, également, qui gère toutes les affaires dans lesquelles M. Sarkozy estime être lésé. “C’est un stratège, un joueur d’échecs, apprécie Me Thierry Herzog, l’avocat de Nicolas Sarkozy. Il réfléchit plusieurs coups à l’avance. A nous deux, au regard de notre complémentarité, on arrive à faire en sorte que le président ait un dossier clés en main.”

Un fin politique aussi. Qui sait parfaitement doser les bons mots, les encouragements, favoriser les carrières. Son bureau devient un lieu de passage obligé pour qui veut faire son chemin. Il converse beaucoup avec Pierre Charon, autre conseiller du président. “On fonctionne en circuit court, nous sommes très complices, raconte celui-ci. Le chef de l’Etat l’écoute beaucoup, il a la capacité d’expliquer très intelligemment la justice, sans retenue.”

Il voulait partir, retourner chez LVMH, maintenant qu’il a quitté la magistrature. Le président l’a retenu jusqu’à la fin de l’année 2009. L’occasion pour lui d’effectuer encore quelques battues, dans les chasses présidentielles, en compagnie de magistrats et policiers de haut rang. Entre deux tirs de sanglier, on y parle aussi de justice, en toute tranquillité.

Gérard Davet
Parcours

1959
Naissance à Pendé (Somme).

1981
Nommé juge au tribunal de grande instance de Lille.

1989
Chef de cabinet à la Mairie de Paris.

1993
Conseiller justice d’Edouard Balladur à Matignon.

2004
Conseiller du président de LVMH.

2007
Conseiller justice de Nicolas Sarkozy.

Article paru dans l’édition du 04.02.09

écouvrez les réactions des abonnés du Monde.fr à la lecture de cet article.

Raphael D.
03.02.09 | 18h53
J’ai grandi au Cameroun sous Ahmadou Ahidjo et ce type d’article dégoulinant de flagornerie sans aucun recul me fait penser à Cameroun tribune qui était le seul et unique journal dans le pays dans les années 70 ! Et, pourtant, nous sommes en France en 2008 ! C’est le Monde ! Et je suis abonné…

Michel B.
03.02.09 | 18h36
Hahaha ! “emblématique d’une droite qui s’assume”. Quelle rigolade ! Personne n’ose le dire dans le silence, mais la droite avec son fidèle soutien au capitalisme qui la nourrit, est par terre actuellement. C’est d’une telle évidence, que cela crève les yeux. Mais quand ils devront rendre des comptes devant les citoyens, s’assumeront ils encore ? Bien sur que non.

juanita banana
03.02.09 | 17h32
En France il ne semble étonner grand monde qu’à 22 ans on puisse sortir de l’Ecole Nationale de la Magistrature et “se retrouver juge à Lille”. Que de petits juges Burgaud et de grosses têtes Ouart, pleines comme un oeuf de procédures administrativo-légales et de navrantes lacunes de la vie, plus aptes à sévir et à dévaster la vie des autres au fil de mauvaises rencontres qu’à installer la confiance en la justice! L’EN de la Magistrature fabrique des petits juges, la vie fait les magistrats

VISITEUR DU SOIR
03.02.09 | 17h14
Cette hagiographie de M OUART rend d’autant plus sympathique, Mme La Ministre Rachida Dati !En bon petit soldat celle-ci a du subir les avanies de ce triste sire ! Ce sinistre personnage lui a gaiement savonné la planche en balançant des ragots à une presse peu perspicace ! Il n’a pas eu le courage de s’exposer à la ire des ses anciens collegues, en défendant lui-meme les projets qu’il concoctait dans son antre Rachida Dati à eu les C…de porter ,sans doute pas toujours de gaité de coeur

DaZ
03.02.09 | 16h04
Après ce portrait, on regretterait presque Rachida Dati…En fait s’ils ne s’entendent pas, c’est qu’ils se ressemblent trop : la justice semble être pour eux un exutoire à leur psychorigidité et un moyen d’assouvir leur soif de pouvoir et de fastes.L’un semble seulement plus intelligent que l’autre, ce qui le rend plus dangereux.

. Les deux prévenus, âgés de 23 et 31 ans avaient trafiqué le compteur EDF pour masquer leur surconsommation d’électricité. Ils ont nié toute culture.

– le 30/01/2009 – 19h18

Chauffés, ventilés et arrosés, les plants avaient été découverts par les pompiers en avril 2007. Vendredi, deux hommes ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Nancy à un an d’emprisonnement ferme pour avoir cultivé 185 plants de cannabis dans un appartement de Lunéville, en Meurthe-et-Moselle.

Les deux prévenus, qui avaient trafiqué le compteur EDF pour masquer leur surconsommation d’électricité, ont nié toute culture, se rejetant la responsabilité des faits. Connus par les services de police pour des vols et des problèmes liés à des stupéfiants, les deux hommes, âgés de 23 et 31 ans, s’étaient rencontrés en prison. Le parquet de Nancy avait requis 15 mois d’emprisonnement à leur encontre.

(D’après agence

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Le juge Burgaud dit au CSM n’avoir pas “failli”,sa défense attaque la Chancellerie

Discussion: Réforme de la justice

Huit ans après le début de son enquête au tribunal de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) sur cette affaire d’abus sexuels sur mineurs -qui s’est soldée par 13 acquittements sur 17 accusés- Fabrice Burgaud comparaissait devant ses pairs qui l’entendront pendant une semaine.

Sous les ors surchargés de la grande salle de la Cour de cassation du palais de justice de Paris, encadré par ses défenseurs, les avocats Patrick Maisonneuve et Jean-Yves Dupeux et le magistrat Jean-Yves Monfort, Fabrice Burgaud, 37 ans, faisait face au premier président de la Cour de cassation Vincent Lamanda, qui préside cette formation disciplinaire.

“Je n’ai commis aucune faute disciplinaire, ni de près ni de loin. Je n’ai failli d’aucune sorte à mon serment de magistrat”, a affirmé d’emblée Fabrice Burgaud, tout en soulignant qu’il ne prétendait pas “avoir mené une instruction parfaite”.

Lisant une longue déclaration, il a répliqué à chacun des griefs qui lui sont faits par la Chancellerie.

Face aux accusations de “vérifications insuffisantes” durant l’instruction menée en 2001 et 2002, il a souligné qu’elles avaient été jugées “suffisantes tant par le juge d’instruction qui (lui) a succédé (en août 2002, ndlr) que par la chambre de l’instruction” de la cour d’appel de Douai.

Expertise ADN, écoutes téléphoniques, contrôles d’horaires de travail, de particularités physiques.., le magistrat a longuement égrené ses actes.

Il a dit avoir recouru à une “méthode classique” enseignée à l’Ecole nationale de la magistrature (ENM), d’où il sortait, et s’être “efforcé de recouper les déclarations des mineurs avec celles des adultes”.

Quant au crédit excessif qu’il aurait accordé à certains enfants, il a assuré avoir exercé “une analyse critique” de leurs déclarations via des “expertises psychologiques”.

“Chaque décision de mise en examen était prise au cas par cas (…) Je n’ai à aucun moment utilisé des procédés déloyaux pour piéger les mis en examen (…) Je conteste formellement tout manque d’impartialité”, a-t-il déclaré, rejetant cette accusation “de dernière minute” de la Chancellerie.

Dans une note du 20 janvier, la Direction des services judiciaires estime notamment que le juge Burgaud a commis une “accumulation de manquements” au “caractère systématique voire volontaire”, introduisant donc l’idée que c’est “délibérément” et non par inexpérience que le juge a renvoyé des innocents devant le tribunal.

Les défenseurs du juge ont élevé “les plus vives protestations” contre ces “accusations terribles”, demandant en vain leur retrait.

Pour Me Maisonneuve, la Chancellerie veut satisfaire l’opinion publique “qui ne comprendrait pas qu’il ne soit pas condamné”, au risque de faire du juge “un bouc-émissaire”.

Cette note, a-t-il souligné, intervient après “l’annonce de la suppression du juge d’instruction” par le président Nicolas Sarkozy, “un juge dangereux, incontrôlable”.

“Il faut supprimer le juge d’instruction, alors commencez par supprimer celui-là”, a lancé l’avocat selon lequel “il faut avoir la tête du juge Burgaud”.

L’audience devait reprendre mardi matin.