NON RENSEIGNEEHier, la Cour d’assises a condamné Marc Tournier, 47 ans, à 18 ans de prison pour le viol d’un jeune homme commis à Lons en septembre 2007

« Je ne veux pas qu’on me relâche comme ça. Je ne veux pas commettre l’irréparable ». Au second jour de son procès, Marc Tournier, 47 ans, persiste dans sa demande de rester en prison pour y être soigné. « Vos pulsions sont-elles uniquement sexuelles ou également agressives ? », demande le président de la Cour, François Ardiet. « Les deux », répond-t-il. « C’est quoi, l’irréparable ? », le questionne alors Karine De Luca, l’avocate de Yohan (1), sa victime. Un jeune à peine majeur au moment des faits, fragile et à l’histoire familiale difficile. « Je pourrais aller jusqu’au meurtre… ».

Marc Tournier est accusé d’avoir violé Yohan à de multiples reprises sous la menace d’un couteau chez sa sœur le 6 septembre 2007. Puis d’avoir recommencé le lendemain dans les toilettes de la gare. Déjà treize fois condamné, dont deux fois par des Cours d’assises pour viol, il reconnaît avoir eu des relations sexuelles avec sa victime mais prétend qu’elle était consentante.

« Vous pourriez penser que mon rôle est simple, mais ça n’est pas le cas », attaque l’avocat général, Stéphane Larcat, lorsque la parole lui est donnée pour ses réquisitions. « Nous avons un accusé qui nous dit je veux rester en prison. ça blesse la victime qui a l’impression que son bourreau va vous imposer ses choix, comme il les lui a imposés. Mais notre droit ne nous permet pas de le condamner parce qu’il dit qu’il est dangereux et qu’il va commettre un crime ». Stéphane Larcat veut que Tournier soit condamné parce qu’il en a réellement commis un. Entre les multiples aveux suivis de rétractations de l’accusé l’avocat général met en évidence les éléments qui ont forgé sa conviction de culpabilité. Notamment les explications très circonstanciées données par Tournier quand il se décide à reconnaître les faits et qui, curieusement à ce moment, colle parfaitement aux déclarations de Yohan. Ou encore, le fait qu’il ait indiqué précisément aux policiers où trouver le couteau.

Le bâtonnier Dominique Glaive, défenseur de Tournier, a évidemment une autre lecture du dossier. « J’ai été tenté de me lever et de vous dire : qu’il soit coupable ou non, tant pis. Il veut rester en prison, exaucez-le ». Mais l’avocat n’a pas cédé à cette tentation. « Ce n’est pas la conception que j’ai de mon métier ». Pas facile de défendre quelqu’un qui se dit innocent mais revendique les faits pour être incarcéré. « C’est la première fois que ça m’arrive ». Pourtant, Dominique Glaive plaide l’acquittement. Sans chercher à utiliser le passé d’un homme qui a été placé à l’âge de cinq semaines, qui a mené une vie d’errance dont la moitié s’est déroulée en prison. Non. L’avocat ferraille avec les pièces de la procédure. Il rappelle que la première relation sexuelle était consentie, moyennant finances, par Yohan. Souligne qu’il ne paraissait pas contraint chez la sœur, s’étonne que le jeune homme ne se soit pas enfui quand il en avait l’occasion, notamment à la gare. « L’avocat général et la partie civile ont des certitudes. On a vu où elles mènent », assène-t-il en brandissant le spectre d’Outreau. « Personnellement, j’ai un doute sur la culpabilité de Marc Tournier. En l’acquittant, vous n’aurez pas jugé, vous aurez rendu la justice ».

Après une heure et quart de délibéré, la Cour a néanmoins condamné Tournier à 18 ans de prison assortis d’un suivi sociojudiciaire de 10 ans avec une injonction de soins. S’il ne la respecte pas, il fera 5 ans de prison de plus.

Jean-François Butet

(1) Prénom d’emprunt

« C’était un gamin d’à peine 18 ans au moment des faits, il était terrorisé »

« En disant qu’il pourrait aller jusqu’au meurtre, Tournier ne vous regardait pas, il ne me regardait pas, il regardait Yohan ». Karine De Lucas l’avoue aux jurés, ce regard l’a « glacée ». L’avocate de la victime essaye de leur faire comprendre comment l’accusé a pu installer son emprise sur son client. « C’était un gamin d’à peine 18 ans au moment des faits. Imaginez-vous à l’âge de 18 ans, face à un Marc Tournier qui a fait vingt ans de prison. Imaginez votre angoisse s’il vous avait promené la pointe d’un couteau sur le ventre. Cette angoisse, lui, il l’a vécue. Chez la sœur, il était terrorisé, il ne pouvait pas partir ». Maître De Luca décrit sa peur de mourir, sa « sidération », son « état de choc » constatés par les policiers et le médecin des urgences qui l’a examiné au lendemain des faits. Elle dit son angoisse permanente durant l’enquête, sentiment qui perdure encore aujourd’hui. « Qu’est-ce qui a été le plus horrible ? Les viols ? La peur de mourir ? L’expert psychologue a évalué son traumatisme à 5… sur une échelle de 1 à 5, un an après les faits ». Et de conclure : « je vous demande de faire en sorte qu’il puisse rentrer chez lui sans avoir la peur au ventre. Pour cela, j’ai besoin de votre décision ».

J.F.B.

« Je suis un deuxième Fourniret, si je sors de prison ! »

le 16.10.2009 04h00

L'accusé décrit ses actes et ses pulsions crûment sans complexe ni pudeur / Croquis d'audience Nic

« Je suis un deuxième Fourniret, si je sors de prison ! ». Pourtant, Marc Tournier, 47 ans, ne reconnaît pas les faits qui l’ont conduit, hier, devant la Cour d’assises du Jura. Tout le paradoxe de cet homme, accusé d’avoir violé un jeune tout juste majeur en septembre 2007 à Lons, est là. Oui, il a bien eu une relation sexuelle avec ce garçon, mais il nie qu’elle se soit déroulée sous la contrainte. Il a dragué Yohan (1) dans la rue, lui a proposé de lui faire une fellation et de le payer pour cela. Le jeune homme a hésité. Bien qu’hétérosexuel, il a fini par accepter parce qu’il se trouvait dans une situation difficile. L’accusé lui a fait signer une lettre expliquant qu’il était consentant. Dans les jours qui ont suivi, Marc Tournier l’a invité à manger chez sa sœur et son beau-frère, un couple sous tutelle de l’Udaf. Selon la victime, Marc Tournier l’a violée sous la menace d’un couteau après le repas. Yohan explique qu’il l’a fait boire, lui a donné des cachets qui l’ont à moitié endormi, puis l’a à nouveau violé toute la nuit. Rebelote le lendemain. Marc Tournier l’a emmené à la gare pour le violer dans les toilettes Le matin et l’après-midi. Yohan aurait tout subi sans réagir, par peur. Avant de déposer plainte finalement. En donnant une première version fantaisiste aux policiers, toujours dans la crainte de se trouver confronté à son agresseur présumé. L’accusé a avoué, a menacé de mort Yohan et son frère qui l’héberge, puis s’est rétracté à plusieurs reprises dans des courriers ou devant le juge d’instruction. Personnalité complexe, Marc Tournier explique s’être accusé pour rester en prison afin d’être soigné. Treize fois condamné, c’est sa troisième comparution devant une Cour d’assises pour viol, dont l’un commis sur un mineur et sous la menace d’un couteau. Les experts psychiatres et psychologue, le décrivent comme un homme doté d’un « aménagement pervers de la sexualité, dangereux, difficilement réadaptable ». Et qui présente un risque de récidive important. Très décontracté, Marc Tournier assume son homosexualité, ses actes et ses pulsions, les décrits volontiers crûment sans pudeur ni complexe lors de l’instruction à la barre menée par le président François Ardiet. « N’importe qui m’intéresse (…) Il m’en faut toujours plus ». À travers les questions posées par les diverses parties aux témoins et à l’accusé, l’avocat général Stéphane Larcat, Maître Glaive pour la défense et maître De Luca pour la partie civile, il apparaît clairement que l’enjeu de la journée sera de convaincre les jurés du consentement – ou non – de la victime.

Jean-François Butet

(1) Prénom d’emprunt

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